Ils ont voté dans la nuit de vendredi à samedi un amendement visant dans la pratique à payer un impôt de 1 % sur les œuvres d’art.

Dans la nuit de vendredi 31 octobre, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à transformer l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) en un « impôt sur la fortune improductive ». Le dispositif, porté par Jean-Paul Mattei (MoDem) a été voté à 163 voix contre 150, grâce aux voix du PS, du MoDem et du Rassemblement National.
L’amendement 3379 ajoute dans l’assiette des actifs jusqu’à présent exclus de l’IFI, les « biens meubles corporels » dont font partie les tableaux, sculptures, meubles, bijoux, objets d’art. Même si les œuvres d’art ne sont pas explicitement mentionnées dans l’amendement, elles apparaissent dans l’exposé des motifs de l’amendement.
Le seuil d’entrée dans l’impôt reste fixé à 1,3 million € (mais il y a encore une incertitude sur la lecture croisée des différents amendements s’agissant du seuil). L’amendement principal portait ce seuil à 2 millions d’euros mais un sous-amendement présenté par le député Philippe Brun (PS) a ramené le seuil à 1,3 M€. Cependant un bien par foyer fiscal peut être exclu de l’assiette dans la limite de 1 million €.
Le barème progressif de l’IFI est supprimé : il est remplacé par un taux unique de 1 % appliqué à la fraction du patrimoine net excédant le seuil de 1,3 M€.
Aujourd’hui 184 000 foyers sont assujettis à l’IFI. Avec l’élargissement de l’assiette, en particulier avec la prise en compte des œuvres d’art, le nombre de foyers devrait augmenter. Ainsi une personne ayant comme seul patrimoine un appartement d’environ 130 m² dans le centre de Paris devra payer chaque année 1 % sur la valeur de sa collection, malgré l’abattement d’1 million d’euros sur cette résidence principale.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Pour le Syndicat National des Antiquaires, une telle mesure « aurait des conséquences immédiates : fuite des collections privées, repli des galeries étrangères récemment installées à Paris, ralentissement du mécénat et appauvrissement du tissu culturel. » Aussi il « appelle à préserver l’exonération des œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt sur la fortune, conformément à la pratique européenne et à l’esprit de notre tradition culturelle. L’art ne doit pas être considéré comme un signe extérieur de richesse, mais comme une expression du génie humain et un bien commun dont la France doit rester la gardienne éclairée. »
Jean-Pierre Osenat, président du Syndicat national des maisons de ventes volontaires, est particulièrement remonté : « Nous connaissions déjà les phobies de M. Mattei mais on ignorait que le Rassemblement National jouait dans la même catégorie. Considérer les objets d’art comme des actifs improductifs est une aberration sans nom. »
Même Julien Lacaze, le président de l’association Sites & Monuments, une association patrimoniale, redoute les effets de cette fiscalité au-delà du marché de l’art : « Que deviendront nos monuments historiques meublés ouverts au public, quels dons ou dations peuvent espérer nos musées dans un tel climat ? se demande-t-il, L’art va migrer et notre pays perdra l’un de ses principaux atouts. Nos députés ne réalisent pas, même après l’affaire du Courbet, qu’il existe une compétition internationale pour l’appropriation des œuvres les plus attractives. Car l’art n’est évidemment pas "improductif" »
Le galeriste Georges-Philippe Vallois relève lui aussi l’effet désastreux de cette mesure sur la scène française : « Il semble que seuls les responsables politiques français ignorent l’importance croissante de la culture dans le soft power international. Parallèlement aux modalités extrêmement complexes de calcul d’une telle imposition, de ses effets désastreux pour l’ensemble de la scène artistique (musée, collectionneurs, artistes et galeries), cet amendement met à mal la place artistique qu’était en train de regagner la France sur le plan international. En cas de confirmation de ce vote, c’est l’ensemble de la filière qui serait impactée. »
Ce que confirme Philippe Charpentier le président du Comité professionnel des galeries d’art : « ce vote à ce stade envoie un très mauvais signal à l'ensemble du monde culturel. » Mais il s’empresse de rappeler « que la procédure d'adoption du PLF est loin d'être achevée. »
Car il est vrai que ces deux amendements doivent encore être confirmés par le vote de l’ensemble du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, avant sa transmission au Sénat, qui pourra à son tour modifier le texte. En cas de désaccord entre les deux chambres, une commission mixte paritaire sera convoquée pour tenter d’élaborer un texte de compromis.
D’ici là on peut parier que les acteurs du marché de l’art vont se mobiliser.
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Les députés veulent assujettir les œuvres d’art à l’impôt sur la fortune
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