Politique culturelle - Restitutions

Les députés approuvent la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 14 octobre 2020 - 578 mots

Le texte, qui doit maintenant être approuvé par le Sénat, enterre d’une certaine façon le rapport Sarr-Savoy.

Paris. L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité – sur les 49 députés présents dans l’Hémicycle le 6 octobre – la restitution de 26 objets au Bénin et d’un sabre au Sénégal. Pour la petite histoire, c’est Franck Riester, ministre du Commerce extérieur, qui a défendu le projet de loi, car la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, était en quarantaine.

« Le Trésor de Béhanzin » avait été donné à l’État par le général Alfred A. Dodds (1842-1922), qui mena la conquête du royaume de Dahomey (l’actuel Bénin), et est conservé au Musée du quai Branly. L’exposé des motifs du projet de loi signale pudiquement que « les pièces données par le général Dodds au Musée d’ethnographie du Trocadéro sont issues des combats menés à Abomey et ont été interceptées à l’occasion de l’incendie du palais royal allumé par Béhanzin, roi d’Abomey ». Ces objets sont ceux auxquels fait référence le président Macron quand il annonce le 23 novembre 2018 vouloir restituer « sans tarder » les 26 œuvres réclamées par les autorités du Bénin.

Le sabre – avec fourreau – est attribué au chef religieux et militaire El-Hadj Omar (1797-1864). Là aussi l’exposé des motifs est tout en nuance : « Le général Archinard, militaire français ayant participé à la conquête coloniale française en Afrique de l’Ouest, a peut-être confisqué le sabre au fils d’El-Hadj Omar, Ahmadou Tall (1836-1897), maître de Ségou depuis la mort de son père, qu’il avait eu l’occasion d’affronter. » Le sabre est exposé depuis décembre 2018 au Musée des civilisations noires de Dakar où il est en dépôt pour une durée de cinq ans.

Lorsque la loi sera définitivement adoptée, l’État aura un an pour remettre les objets au Bénin (c’est déjà fait pour le Sénégal). Un délai amplement suffisant, car derrière l’affichage, de part et d’autre, d’une volonté d’aller vite, il faut que le Bénin puisse achever la construction du futur musée d’Abomey (prévue pour 2023) qui doit accueillir les 26 objets.

Prise de distance avec le rapport Sarr-Savoy

Cette loi est en réalité d’une portée très réduite. Même si elle peut faire jurisprudence pour d’autres demandes de restitution (qui au demeurant sont très limitées et peu véhémentes), elle ne fixe pas un cadre général de restitution automatique. Elle est d’ailleurs conforme aux annonces d’Emmanuel Macron. C’est au lendemain même de la remise du fameux rapport Sarr-Savoy, qui a déclenché une forte polémique dans le milieu muséal, que le président a décidé de restituer les objets au Bénin. Une façon de prendre de la distance avec le rapport.

Un éloignement confirmé le 4 juillet 2019 par Franck Riester, le ministre de la Culture de l’époque. Lors du forum fièrement intitulé : « Patrimoines africains : réussir ensemble notre nouvelle coopération culturelle », celui-ci a déclaré que ledit rapport « contribu[ait] au débat intellectuel d’aujourd’hui ». Rien de plus. Ce qui signifie, en langage diplomatique : l’État ne fait pas siennes les recommandations du rapport. Ce forum, piloté par l’ancien numéro 2 du Quai Branly puis du Louvre, Karim Mouttalib, aujourd’hui directeur de l’IFCIC, était d’ailleurs le deuxième engagement d’Emmanuel Macron. Il précédait de quelques jours un « grand débat » organisé à l’Élysée rassemblant 400 représentants de la diaspora africaine, débat au cours duquel les restitutions ont été très peu évoquées. La « loi Bénin » semble bien vouloir mettre fin à la séquence « restitution » ouverte par le président lors de son discours de novembre 2017 à Ouagadougou (Burkina Faso).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°553 du 16 octobre 2020, avec le titre suivant : Les députés approuvent la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal

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