Musée

Les Confluences - A Lyon, un vaisseau posé au confluent

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 16 décembre 2014 - 1270 mots

LYON

Lyon inaugure son nouveau Musée des confluences, musée des sciences et des sociétés riche de plus de deux millions d’objets. Visite d’un bâtiment phare, entre vaisseau spatial et animal préhistorique.

Façade sud du musée des Confluences à Lyon. © Photo Jean-Pierre Dalbéra, 2017
Façade sud du musée des Confluences à Lyon.

Le cru architectural 2014, en France, est décidément une histoire de météorologie, et en particulier de nuage, cette masse visible en suspension dans l’atmosphère. Après celui porté par l’architecte américain Frank Gehry pour la Fondation Louis Vuitton à Paris, en octobre, c’est à nouveau une sorte de cumulus qui a été livré le 20 décembre, à Lyon, en l’occurrence : le Musée des confluences. Quoi de plus naturel diront certains lorsque l’agence auteur du projet s’appelle Coop Himmelb(l)au, traduction littérale : « Bâtir le ciel ». Reste que c’est précisément avec ces termes que l’agence autrichienne animée par Wolf Dieter Prix, 72 ans, a remporté, en 2001, le concours international d’architecture : « Le nuage contient la connaissance de l’avenir. Ce Musée des confluences doit aider à comprendre ce que nous connaissons déjà et ce qui doit être exploré. Son esthétique spatiale expérimentale permettra de stimuler la curiosité du public ». Bref, un « Nuage » donc, mais également, adossé à lui, un « Cristal », voilà les deux éléments architecturaux phares de cette institution. Soit un « Nuage-Cristal », ou un « Cristal-Nuage », c’est selon, d’un coût de 250 millions d’euros, prêt à accueillir, selon les statistiques, quelque 500 000 visiteurs par an.

Un emplacement exceptionnel
Ce qui impressionne de prime abord, avant le bâtiment lui-même, c’est la majesté du lieu. Le site est à la fois fabuleux et rare. Peu de grandes métropoles au monde peuvent s’enorgueillir d’un emplacement aussi prestigieux, à la croisée de deux fleuves importants. On pense notamment à Pittsburgh (États-Unis), Nijni Novgorod (Russie), Manaus (Brésil) ou Coblence (Allemagne). À Lyon, en l’occurrence, nous sommes pile à la confluence du Rhône et de la Saône, ce qui donne une visibilité incommensurable à ce musée, lequel s’offre d’ailleurs dans sa globalité depuis moult points de vue. Au nord par exemple, lorsque l’on traverse en train le pont qui franchit la Saône, peu avant la gare de Perrache. Ou, à l’inverse, dès la commune de Pierre-Bénite, en « remontant » du sud en voiture par l’A7, la fameuse Autoroute du Soleil. D’un côté ou de l’autre, personne désormais ne peut ignorer ce bâtiment de 27 000 m2 juché sur une quinzaine de monumentales « pattes » de béton qui le font illico ressembler, au choix, à un vaisseau spatial habillé d’inox ou à un animal préhistorique genre tricératops. Une bête de taille en tout cas : 180 m de long, 90 de large et une hauteur totale sous la toise de 45 m. Étonnamment, ladite « bestiole » semble avoir tourné la tête à ce panorama magnifique de la confluence, au sud, préférant admirer la ville, au nord, avec son premier plan moins poétique mêlant l’autopont de l’A7, un important nœud routier et le passage du tramway. Question d’accès sans doute, le visiteur arrivant, en principe, par ce côté-ci de la cité.

Le cristal
Après avoir monté une flopée de marches, ce dernier se retrouve ainsi, au niveau 0, sous une gigantesque verrière : le fameux « Cristal ». Dans ce hall d’entrée d’une surface de 1 900 m2, on trouve, entre autres, la billetterie et la boutique, ainsi qu’un restaurant. Au centre de l’espace, la verrière effectue un curieux retournement sur elle-même, tel un entonnoir. Il s’agit, paraît-il, d’un « tour de force architectural ». Ce « puits de gravité » sert, en réalité, d’appui central et de stabilisateur pour soutenir l’ensemble des structures métalliques de la verrière. Selon l’architecte, il serait aussi une métaphore de la confluence, une sorte de vortex de verre donc, symbolisant cette rencontre entre les deux fleuves Rhône et Saône. Reste que ces structures métalliques mélangent quantité de types différents et se révèlent on ne peut plus imposantes – est-ce dû aux normes de sécurité ? –, ce qui appesantit un brin la légèreté figurée de la verrière. En revanche, et il s’agit d’une prouesse, aucune tête de vis n’est visible, ni aucun système de fixation. Si on lève la tête, on peut voir une passerelle s’enroulant exactement autour du puits de gravité pour emmener les visiteurs du niveau 1 au niveau 2. Stratégique, le Cristal est le lieu qui déploie le flux de visiteurs vers l’ensemble des espaces du musée. Sous nos pieds, le « socle » de l’édifice, quelque 8 700 m2 répartis en deux niveaux semi-enterrés, loge notamment les espaces techniques du musée – ateliers, réserves, etc. –, ainsi que deux auditoriums de cent dix-huit et trois cents places.

Le nuage
La seconde entité architecturale forte de l’institution est le Nuage. Volume opaque tout habillé d’acier inoxydable mat – pour éviter que des reflets ne gênent les automobilistes alentour –, il pèse la bagatelle de… 6 000 tonnes. D’une surface de 10 900 m2, il héberge l’ensemble des salles d’expositions (quatre temporaires au niveau 1, quatre permanentes au niveau 2), les bureaux et autres espaces privatisables (niveau 3), enfin, un café (niveau 4). Autant le Cristal est transparent et lumineux, autant le Nuage, lui, se révèle opaque à l’extérieur et sombre à l’intérieur – d’ailleurs toutes les salles d’expositions sont peintes en noir. Seule la « colonne vertébrale » qui le coupe en deux dans sa longueur et fait office d’espace de circulation capte par moments la lumière naturelle. Ailleurs, un éclairage artificiel uniformément bleu peine à dissimuler entièrement la tuyauterie enfermée dans le faux plafond perforé. La « colonne vertébrale » dessert de part et d’autre, aux niveaux 1 et 2, les différentes salles d’exposition d’une surface totale de 4 700 m2. À l’extrémité du niveau 1, une vaste paroi vitrée offre le spectacle des deux fleuves qui se rejoignent. Deux salles d’exposition temporaire contiguës de 750 m2 chacune (dont l’une arborant une hauteur sous plafond de 14 m) peuvent, le cas échéant, être réunies pour une seule et même présentation.

Au niveau 2, le parcours permanent accueille divers types de scénographies : du très subtil, telle la salle « Éternités, visions de l’au-delà », conçue par Marianne Klapisch et Mitia Claisse (agence Klapisch-Claisse, Paris), avec ses cloisons de métal judicieusement perforées, au plus lourd, pour ne pas dire « daté », comme la salle « Espèces, la maille du vivant » réalisée par Zette Cazalas (agence Zen dCo, Paris), avec ses structures triangulées compliquées qui perturbent l’espace. Si le visiteur n’a évidemment pas accès à l’administration, déployée au niveau 3, il peut en revanche aisément grimper un étage plus haut, jusqu’au niveau 4. On le lui recommande en tout cas. Certes, c’est là que se trouve le… café, mais surtout que s’y déploie une série de terrasses offrant autant de vues époustouflantes sur la ville. À l’est, sur l’un des fleurons de l’architecture moderne lyonnaise : la Halle Tony-Garnier, qui a fêté ses cent ans en 2014. Au sud-ouest, sur les grands immeubles de logements de La Mulatière. Ou, plein nord, sur la basilique Notre-Dame de Fourvière.

Tout en bas, on distingue aussi très bien cette pointe de la confluence du Rhône et de la Saône. Également dessiné par l’agence Coop Himmelb(l)au, le terrain est devenu un gigantesque jardin de 24 400 m2, un paysage mêlant espaces verts – il faudra encore attendre au moins une année pour s’en faire une réelle idée – et jeu de rampes et de plans inclinés en béton. Déjà moult péniches s’y sont amarrées. En 2016, une nouvelle halte fluviale devrait s’y implanter, ce qui confirmerait la « pointe » dans son rôle de nouvelle entrée de la ville.

Le Musée des confluences

10, rue Boileau, Lyon (69). Ouvert du mardi au vendredi de 11 h à 19 h, le samedi et dimanche de 10 h à 19 h. Nocturne le jeudi jusqu’à 22 h. Tarifs : 9 et 6 € (expositions permanentes et temporaires). Deux expositions inaugurales jusqu’en juillet 2015 : « Les trésors de Guimet » et « Dans la chambre des merveilles ».

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°675 du 1 janvier 2015, avec le titre suivant : Les Confluences - A Lyon, un vaisseau posé au confluent

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