Diplomatie culturelle

DIPLOMATIE CULTURELLE

Le régime syrien tente de redorer son image grâce à une ONG

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 8 février 2021 - 527 mots

PARIS

Une instance de l’Unesco a approuvé la nomination d’une ONG financée par l’épouse du dictateur syrien.

Le site de Palmyre après les ravages des combats de 2015. © ICONEM
Le site de Palmyre après les ravages des combats de 2015.
© ICONEM

Paris. Le Syria Trust for Development a été admis officiellement dans l’organe d’évaluation du Comité pour le patrimoine immatériel à l’Unesco, un comité qui examine les demandes d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial immatériel. Composé de vingt-quatre pays (dont les Pays-Bas, le Japon, le Togo, le Koweït), le Comité collabore avec un « organe d’évaluation » chargé de faire des recommandations sur les dossiers en lice pour les inscriptions au patrimoine immatériel. Plusieurs ONG et acteurs non gouvernementaux figurent dans cet organe qui compte douze membres. Le Syria Trust for Development y entre aujourd’hui pour représenter les pays arabes pendant deux ans, comme le veut le règlement.

L’Unesco qui n’a pas communiqué sur cette admission se refuse à tout commentaire, en arguant de « la décision souveraine des pays membres » et de son rôle de simple « secrétariat du Comité », alors qu’aucun élément n’est disponible pour comprendre le processus de désignation. Il est vrai que la Syrie est toujours État membre de l’Unesco (depuis 1946) et État partie ayant ratifié la Convention du patrimoine mondial depuis 1975.

Le Syria Trust for Development faisait déjà partie des ONG accréditées auprès du Comité pour le patrimoine immatériel depuis plusieurs années. Sur le site de l’Unesco, l’ONG, fondée en 2002, se présente comme une « organisation caritative non gouvernementale » et détaille ses activités « au service des communautés et des individus ». Elle a entre autres défendu la candidature pour le patrimoine immatériel mondial des pratiques artisanales liées à la rose de Damas, ou à l’art traditionnel des marionnettes. L’ONG met surtout en avant ses multiples projets de rénovation de l’habitat ancien ou d’éducation culturelle pour les enfants.

Une forme de légitimation du régime

La respectabilité de l’ONG n’est que de façade et son admission fait bondir les défenseurs des droits de l’homme. En effet, sa fondatrice et présidente n’est autre que l’épouse du dictateur, Asma Al Assad. L’ONG fait l’objet de nombreuses sanctions européennes et américaines (Caesar Act) en raison de son soutien direct au régime syrien et à ses activités criminelles. Selon plusieurs opposants syriens, le Syria Trust for Development est en outre accusé de siphonner l’aide internationale en Syrie, pour la redistribuer aux proches du régime.

La nomination de l’ONG est une petite victoire pour la Syrie qui obtient ainsi une forme de normalisation, alors que le régime est mis à l’index par de nombreux pays. Étrangement, les Pays-Bas avaient un temps envisagé une cour pénale internationale pour la Syrie, mais leur délégation au Comité du patrimoine immatériel ne s’est pas opposée publiquement à la nomination du Syria Trust for Development. Pour le géopolitologue Nicolas Tenzer, président du Centre d’étude et de réflexion pour l’action politique, cette nomination est incompréhensible : « J’aimerais vraiment comprendre le processus de décision qui a conduit à cette aberration ; elle ne reflète en rien la position des pays membres de l’Union européenne sur cette question. » Il y voit une forme de légitimation du régime malgré « les meurtres et les tortures ». Il n’y a donc rien de surprenant à ce que les médias officiels syriens présentent cette nomination comme « une victoire pour le régime ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°560 du 5 février 2021, avec le titre suivant : Le régime syrien tente de redorer son image grâce à une ONG

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