Artisanat d'art

Métiers d’art

Le nouveau président d’Ateliers d’art de France cherche le bon équilibre

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 23 février 2023 - 941 mots

Élu en octobre 2022, Stéphane Galerneau entend relancer l’action syndicale dans les régions.

Stéphane Galerneau © D.R.
Stéphane Galerneau.
© D.R.

Paris. Les Ateliers d’art de France (AAF) traversent une période délicate et son nouveau président, Stéphane Galerneau, élu en octobre 2022, va devoir dépenser beaucoup d’énergie et faire preuve de doigté pour trouver le bon modèle. L’équation se formule ainsi : quel est le bon équilibre entre l’activité très rémunératrice d’organisateur de salons parisiens et l’action syndicale dans les régions, là où se trouvent les adhérents ? Car depuis quelques années, l’équipe de direction semble avoir trop mis le curseur du côté de Paris « et ses paillettes », comme cela est perçu par plusieurs adhérents.

La manne du salon Maison & Objet
La chance du syndicat est d’avoir vendu, en 1995, 50 % du salon Maison & Objet à Reed, au sein d’une nouvelle structure (la Safi). Depuis, le salon n’a cessé de prospérer, apportant de confortables dividendes aux Ateliers d’art de France. Combien ? C’est un secret d’État, la Safi ne publie plus ses comptes depuis bien longtemps, et le syndicat noie le poisson dès que l’on parle chiffres. Par recoupement de diverses sources, il semble que le budget de fonctionnement des AAF tourne autour de 14 millions d’euros, budget alimenté par les bénéfices de Maison & Objet et les revenus fonciers du parc immobilier parisien acquis lors de la cession des parts en 1995. Cette manne a permis aux AAF, du temps de la présidence de Serge Nicole (2006-2016), de racheter le Salon du patrimoine culturel, de créer le salon Révélations, de développer les boutiques commerciales, le site d’e-commerce, les éditions… « C’est grâce à la visibilité apportée par le Salon du patrimoine culturel que les politiques nous ont vus différemment et que nous avons été écoutés », explique Serge Nicole.

Sa successeuse, Aude Tahon, a poursuivi cette politique au point de délaisser le terrain et l’action syndicale. C’est ainsi que le réseau des délégués régionaux s’est délité. Il est vrai que ces délégués étaient très turbulents et formaient une sorte de contre-pouvoir dans une gouvernance déjà complexe entre une présidence élue directement par les adhérents, un conseil d’administration (élu, CA) pas toujours en accord avec la présidence, et le directeur du syndicat. « Toute la difficulté est de faire comprendre à nos adhérents que l’argent des salons est une aubaine car il permet au syndicat d’aider financièrement les adhérents à participer à nos salons ainsi qu’aux salons régionaux », explique Serge Nicole. Or, selon une enquête de 2020 par les AFF, 96 % des entreprises interrogées réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires lors des foires et salons, en moyenne à hauteur de 65 %.

Mais le Covid-19 est passé par là, mettant un temps l’éteignoir sur l’activité « salons » et ses précieuses recettes. « Nous avons perdu 4 millions d’euros », indique Stéphane Galerneau. Et ce ne sont pas les cotisations des adhérents qui peuvent payer les salaires des 50 salariés. Officiellement, AAF revendique 6 000 adhérents (un chiffre qui ne bouge pas depuis des années), 1 500 adhérents directs et 4 500 à travers les associations adhérentes. À 100 euros la cotisation annuelle de base pour un adhérent et 175 euros celle pour une association, cela ne fait pas plus de 200 000 euros de revenus. Dans le même temps, il y aurait 60 000 artisans d’art en France, toutes structures confondues.

Développer une politique de terrain
L’heure est au contrôle des coûts. C’est pourquoi le poste de directeur général n’est toujours pas occupé, laissant au président la direction opérationnelle du syndicat, la surveillance de la Safi, le dialogue avec les pouvoirs publics, les négociations avec le CA, le développement international du salon Révélations… Il doit aussi aller sur le terrain, dans les régions, à la rencontre des innombrables salons de métiers d’art ; s’entretenir avec les chambres de métiers ; renouer le lien avec certaines manifestations… Une charge lourde alors qu’il a conservé son atelier de fabrication d’objets de décoration à côté de Poitiers.

Le nouveau président a fait de la reconstitution du réseau de délégués régionaux un argument de campagne. Un appel à candidature va être lancé pour des élections prévues en mars. L’objectif est de recruter 25 à 30 délégués, qu’il reviendra à Stéphane Galerneau d’encadrer, de motiver… Il a fait de « l’accès au marché » pour ses adhérents un enjeu de son mandat : financer leur stand dans les salons spécialisés sur la maison, mais aussi les grands salons régionaux : les Tupiniers à Lyon, Résonance[s] à Strasbourg… Il lui faut aussi donner un peu de cohérence au réseau de ventes où chaque lieu a son propre nom, ce qui ne facilite pas l’identification par les acheteurs : Empreintes, la galerie Collection et boutique Talents à Paris, La Nef à Montpellier, la Maison des métiers d’art à Pézenas (Hérault). Et doper le site de vente en ligne dénommé « Empreintes ».

Stéphane Galerneau veut parallèlement développer le salon Révélations à l’international. Des discussions sont en cours avec la Chine et d’autres pays. En France, la prochaine édition de cette biennale (la dernière édition s’est tenue en 2022) aura lieu en 2023 et la suivante en 2025 dans un Grand Palais rénové. Un défi pour le syndicat qui doit occuper 6 000 mètres supplémentaires avec des adhérents qui ne veulent ou ne peuvent payer des stands devenus très chers.

Le syndicat doit enfin tenir son rang et porter les revendications de ses adhérents auprès des pouvoirs publics. Il a été consulté mais pas associé au plan « métiers d’art » que doit présenter la ministre de la Culture à la fin mars. Si toute idée de branche professionnelle a été abandonnée, ce plan devrait comporter une série de mesures pratiques destinées à améliorer l’image, la formation et les conditions d’exercice professionnel d’un secteur très hétéroclite. La prochaine AG du syndicat aura lieu en juin à Marseille, elle ne manquera pas de sujets.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°605 du 17 février 2023, avec le titre suivant : Le nouveau président d’Ateliers d’art de France cherche le bon équilibre

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque