Justice

Le dilemme des commanditaires des œuvres de Lévêque  

Par Anne-Cécile Sanchez · lejournaldesarts.fr

Le 15 janvier 2021 - 627 mots

Pour l’heure, les œuvres de l’artiste, soupçonné de pédocriminalité, installées dans l’espace public sont maintenues.

La mairie de Montrouge a décidé de laisser en l’état le néon Illumination de Claude Lévêque, qui orne son Beffroi depuis novembre dernier. Cette pièce lumineuse résulte d’une commande publique effectuée dans le cadre du festival « Le jour d’après », dont le commissariat avait été assuré par Ami Barak. Inquiet de la vox populi à la suite des soupçons de pédophilie qui pèse sur l’artiste, la mairie a constitué une cellule de crise pour savoir que faire d’une œuvre emblématique de l’engagement de la ville en faveur de la création contemporaine, mais que l’actualité rendait embarrassante. La démonter précipitamment, ou l’éteindre, serait porter atteinte à la présomption d’innocence, a finalement estimé le maire, Etienne Lengereau

Ce serait également une entorse à la propriété intellectuelle, dont le monopole revient, de droit, à l’auteur. D’autant que dans ce cas précis, la Ville n’est même pas propriétaire du support physique dont elle a uniquement réglé les frais de production. Le néon devait en effet faire l’objet d’une acquisition ultérieure. Il semble désormais évident que ce ne sera pas le cas, selon le commissaire, Ami Barak. 

Du pont d’Issy les Moulineaux souligné par le tracé rouge des Dessous Chics, au diadème en plaques d’inox martelé Tchaikovski, couronnant le plus grand réservoir d’eau de la ville, jusqu’à la mise en lumière d’un haut fourneau désaffecté, commandée par la Communauté d’Agglomération du Val de Fensch en 2007 (Tous les Soleils), les œuvres du plasticien sont nombreuses dans l’espace public. 

Quand Lévêque résidait dans une école

Pour l’heure il n’est évidemment pas question de les retirer. Mais il en est une, en revanche, qui semble manquer à l’appel. Il s’agit du néon placé pendant cinq ans au fronton de l’école Pierre Budin, dans le XVIIIe arrondissement. En 2012 l’école élémentaire avait été la première à accueillir en résidence, à l’initiative de son directeur de l’époque, un artiste de renom. Claude Lévêque était ainsi venu travailler avec plusieurs classes pendant quatre mois - de janvier à mai. 

« Je réalise une œuvre dans l’appartement de fonction du directeur qui est vide », expliquait-il alors. Cet appartement traversant donnant côté cour et coté rue avait permis l’installation au n°5 de la voie, juste au-dessus de l’entrée de l’établissement, d’un néon sous vitrine. « J’ai peur » proclamait-il sur le seuil de cette école de la Goutte d’Or. Nommé dans un autre établissement à la rentrée 2018, le directeur l’aurait à ce moment-là « restitué à l’artiste », d’après le rectorat, qui semble pour le moins embarrassé.

Cette œuvre était-elle la propriété de l’établissement scolaire, ou celle de l’artiste, qui l’aurait prêtée au directeur ? Ce dernier a refusé de s’exprimer à ce sujet. La question reste posée de l’inscription, pendant cinq ans, de ce néon dans l’espace public, qui plus est à l’entrée d’une école. 
     
La résidence de 2012 avait également donné lieu à une exposition, « Seasons in the Abyss », réalisée avec le soutien et la collaboration de la DRAC Ile-de-France, de la mairie de Paris, de la Mairie du XVIIIe arrondissement, d’une inspectrice de l’Education Nationale, d’une conseillère pédagogique, de l’association Reg’art de Paris, de différents mécènes et de la galerie kamel mennour. Cette dernière a, pour sa part, récemment supprimé de son site toutes les informations concernant l’artiste qu’elle représentait (*).  

NOTE

(*)  Le 12 janvier 2021, la rédaction a reçu ce communiqué de presse de la galerie kamel mennour :
 

À la suite de l’annonce par voie de presse de l’ouverture d’une enquête préliminaire conduite par le Parquet de Bobigny à l’encontre de Claude Lévêque et afin de permettre à l’autorité judiciaire d’exercer les investigations nécessaires, Claude Lévêque a décidé de suspendre sa collaboration avec la galerie kamel mennour, qui en prend acte.
 

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