Monument

Portrait

Le baron du Palais-Bourbon

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 16 février 2016 - 770 mots

PARIS

Affable et courtois. Ces deux sentiments s’imposent lorsque l’on rencontre Patrick Bloche pour la première fois.

Le président de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale sait marquer de la considération pour ses visiteurs et l’on perçoit que ce n’est pas simplement une question de bonnes manières. Même ses opposants politiques de droite à la commission reconnaissent ses qualités humaines. « Je le connais de longue date, on s’est toujours bien entendu », assure Michel Herbillon, vice-président (LR) de la même commission. « C’est quelqu’un d’ouvert au dialogue », renchérit François de Mazières (Les Républicains) membre de la commission. Tous deux relèvent aussi ses talents d’animateur. « C’est un très bon président de commission », affirme le premier ; « il mène bien sa commission » admet le second.
Il faut dire que Patrick Bloche connait bien les codes du Palais Bourbon : il y est chez lui. À 25 ans, en 1981, tout jeune titulaire d’un master de droit public et d’un DEA en droit social, il devient l’assistant parlementaire de Ghislaine Toutain, profitant de la vague rose consécutive à l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir. Par la suite, ses allers-retours avec l’Assemblée nationale évoluent au gré de l’alternance politique. Le retour de la droite en 1986 l’oblige à tâter de la société civile, par le biais de l’agence d’ingénierie culturelle créée par Claude Mollard puis du Café de la danse, un lieu pluridisciplaire situé dans le quartier de la Bastille, dont il est le secrétaire général. La réélection de François Mitterrand le ramène au Palais-Bourbon, cette fois en tant qu’assistant du président de la commission de la Production et des Échanges. La seconde cohabitation le renvoie dans le privé, en tant que directeur commercial d’une mutuelle. Entre-temps il se lance dans la bataille des législatives à Paris mais perd à deux reprises face à Alain Devaquet en 1988 et 1993. La troisième fois, en 1997, sera la bonne et depuis il a été constamment réélu.

Habileté et férocité
Ses qualités reconnues de président de commission sont aussi à mettre au crédit de ses années de formation au PS. Patrick Bloche maîtrise comme personne les jeux de pouvoir, les discussions interminables, la recherche de consensus, le travail sur les textes. Il est pratiquement né au PS qu’il rejoint à l’âge de 16 ans pour en gravir tous les échelons jusqu’à devenir en 2000 le premier secrétaire de la puissante fédération de Paris, marchepied pour la Mairie du 11e arrondissement qu’il conquiert en 2008. Il est au Bureau national du PS depuis 2003. Chevènementiste à ses débuts, puis jospiniste, il s’engage dans l’équipe de campagne de Ségolène Royal en 2007 puis dans celle de Martine Aubry lors des primaires du PS en 2012. Il se positionne ainsi plutôt à la gauche de François Hollande, sans pour autant appartenir aux frondeurs. Il serait dans un entre-deux, à l’instar de Bertrand Delanoë dont il est proche. Mais pour survivre en politique, il faut ajouter à l’habileté tactique une bonne dose de férocité. Et il n’en manque pas. Sous des dehors aimables il sait lancer la formule assassine. Ses opposants politiques en savent quelque chose. Dans La Récréation (éd. Robert Laffont, 2013), Frédéric Mitterrand, qui a souvent bataillé avec lui raconte : « Patrick Bloche est nettement plus offensif, il me promet le feu du ciel. Avec Christine Albanel, il était à la limite de l’insulte. »

Un homme d’appareil, donc, mais tendance bosseur. « Il connaît mieux ses sujets que certains ministres de la Culture », ironise Michel Herbillon. On a effectivement pu le constater dans le rapport qu’il a rédigé sur la loi « création et patrimoine » et dans la conduite de débats parlementaires souvent très techniques. Mais s’il maîtrise aussi bien les dossiers sur le numérique et l’audiovisuel, sa « grande affaire » relève du sociétal. « Je suis en quelque sorte le papa du Pacs », dit-il. C’est lui qui a porté en 1999 la proposition de loi pour cette union civile ouverte aux homosexuels. Et c’est tout naturellement qu’il est récemment monté au front pour le « mariage pour tous ». Très engagé dans la cause « LGBT » (lesbiennes, gays, bisexuels et trans) et la lutte contre l’homophobie, il ne rate aucune Gay Pride. Pourtant, malgré la notoriété acquise sur ce terrain, Patrick Bloche est encore peu connu du grand public, sans doute parce qu’il n’a jamais été ministre. Rien n’est encore perdu, il n’aura que 60 ans en juillet. Mais il lui faut maintenant attendre une éventuelle victoire de la gauche en 2017. Audrey Azoulay vient de lui souffler la place Rue de Valois.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°451 du 19 février 2016, avec le titre suivant : Le baron du Palais-Bourbon

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