Suisse - Restitutions

La Suisse crée une commission sur les provenances

SUISSE

La Confédération helvétique se dote d’une commission de recherche de provenance d’œuvres volées non seulement sous le nazisme, mais aussi dans un contexte colonial.

Exploration conjointe de la collection du Bénin au Musée Rietberg avec (de gauche à droite) l'historienne nigérian Enibokun Uzebu-Imarhiagbe, la conservatrice pour l'Afrique Michaela Oberhofer, l'historienne de la provenance Esther Tisa et l'assistante de recherche de la Bénin Initiative Suisse Alice Hertzog, septembre 2021. © Rainer Wolfsberger / Musée Reitberg
Exploration de la collection du Bénin au Musée Rietberg, avec (de g. à d.) Enibokun Uzebu- Imarhiagbe, Michaela Oberhofer, Esther Tisa et Alice Hertzog, septembre 2021.
© Rainer Wolfsberger / Musée Reitberg

Suisse. L’annonce a été faite le 22 novembre dernier par le Conseil fédéral : une commission sur les provenances va être créée. C’est peu dire qu’elle était attendue depuis longtemps. Car la Suisse a non seulement ratifié les principes de Washington en 1998 mais également, en 2009, la déclaration de Terezìn – deux initiatives visant à encourager la recherche de provenance et à faciliter les restitutions d’œuvres volées par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Cette commission d’experts (entre 9 et 12) venus du monde la culture, du droit et des sciences et « qui peut être consultée en cas de litige et émettre des recommandations non contraignantes au cas par cas », commencera son travail début 2024. Elle est conçue sur le modèle des commissions déjà instituées en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Autriche.

Les musées financièrement aidés dans les recherches

Après les remous provoqués par la présentation de la collection Emil Bührle au Kunsthaus de Zurich, la Suisse se devait de déployer des moyens plus efficaces, au niveau national, pour identifier l’art volé par les nazis, clarifier les questions de propriétés litigieuses et trouver des « solutions justes et équitables ». Jusqu’à présent, les musées assumaient, à leur échelle, la recherche de provenance, soutenus dans leur tâche, depuis 2016, et à hauteur de 50 %, par l’Office fédéral de la culture. En neuf ans, plus de 3,5 millions de francs suisses (3,7 M€) ont été alloués aux musées helvétiques qui ont amplifié ces dernières années leurs recherches en matière d’« œuvres contaminées ».

Le rayon d’action de cette future commission sera étendu au-delà des cas des œuvres volées durant la Seconde Guerre mondiale, pour englober le « patrimoine culturel au passé problématique ». En instituant un tel organe, le Conseil fédéral affirme « l’importance accordée par la Confédération à un traitement juridiquement et éthiquement responsable du patrimoine culturel, en particulier des œuvres d’art spoliées à l’époque du national-socialisme et des biens culturels issus d’un contexte colonial », comme l’indique le communiqué officiel. Les recherches de provenance « dans un contexte colonial » se sont intensifiées dans ce pays sans passé colonial, comme en témoigne l’initiative « Bénin Suisse » menée par huit musées helvétiques concernant des artefacts de l’ancien royaume du Bénin ou les processus de restitutions entrepris par le Musée d’ethnographie de Genève. Pour l’avocat zurichois Fabian Schmidt-Gabain, spécialiste du droit de l’art, « c’est une “première mondiale” qu’une commission examine de manière générale des cas de biens culturels au passé problématique. La Suisse montre ainsi que les biens culturels ne sont pas des choses normales et ne doivent pas être traités comme telles. Le fait que la commission ait reçu une compétence étendue contribue à son rôle de pionnier. Non seulement les biens culturels qui se trouvent en Suisse relèvent de sa compétence, mais aussi les biens culturels qui ont fait l’objet d’un commerce en Suisse, mais qui ne s’y trouvent plus aujourd’hui.»

Des interrogations subsistent néanmoins sur la nature de la commission, notamment celle de sa composition. Siégeant à la « Commission Limbach » en Allemagne depuis 2016, l’historien suisse Raphaël Gross préconise ainsi que la future commission accueille en son sein des représentants de la communauté juive.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°624 du 5 janvier 2024, avec le titre suivant : La Suisse crée une commission sur les provenances

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