Disparition

Ernst van de Wetering (1938-2021)

Par Lorraine Lebrun · Le Journal des Arts

Le 21 septembre 2021 - 521 mots

AMSTERDAM / PAYS-BAS

Ancien directeur du Rembrandt Research Project, il était l’un des plus grands spécialistes de Rembrandt et faisait figure d’autorité en matière d’attribution.

Ernst van de Wetering. © Eduard Lampe / University of Amsterdam
Ernst van de Wetering.
© Eduard Lampe / University of Amsterdam

Amsterdam. Sa parole faisait autorité quand il s’agissait d’authentifier un Rembrandt. Ernst van de Wetering, expert internationalement reconnu du peintre du siècle d’or hollandais, s’est éteint à l’âge de 83 ans le 11 août, chez lui à Amsterdam. Né le 9 mars 1938 à Hengelo (Pays-Bas) d’une mère allemande et d’un père néerlandais – qui fut membre du Parti nazi –, Wetering commence par se former à la peinture à l’Académie des beaux-arts de La Haye, où il enseignera par la suite. Dès 1967, il étudie l’histoire de l’art à l’université d’Amsterdam. Il y rencontre le professeur Josua Bruyn, qui lui propose un poste d’assistant pour un nouveau projet. C’est le futur « Rembrandt Research Project » (RRP), créé en 1968, qui marquera sa carrière et qui fera autorité en matière d’attribution des œuvres du maître, à une époque où sont débattues les attributions des 624 œuvres recensées dans le catalogue raisonné établi par Abraham Bredius en 1935.

Le RRP et Ernst van de Wetering instaurent un rapport nouveau aux œuvres de Rembrandt dans leur étude. Alors que la norme est au « connoisseurship », avec la figure de l’amateur érudit capable de reconnaître la main d’un artiste d’un seul coup d’œil, Wetering cherche à comprendre la démarche globale de l’artiste. Pour ce faire, les chercheurs du RRP s’appuient sur des techniques nouvelles – la radiographie, la dendrochronologie (datation du bois à partir de ses cernes), les ultraviolets, l’analyse chimique des composants – couplées à la documentation papier. Ils privilégient l’étude longue, l’observation minutieuse au seul coup d’œil.

Ernst van de Wetering consacrera quarante-six années de sa vie à l’étude de Rembrandt. Il devient directeur du RRP en 1993, une position qu’il conserve pendant plus de vingt ans. À ce poste, il s’établit comme « l’arbitre de ce qui est considéré comme un Rembrandt », selon les mots de son confrère Gary Schwartz ; ses décisions auront des répercussions directes sur les prix du marché. Des 624 numéros qui constituent le catalogue de Bredius, il n’en reste que 340 lorsque Wetering quitte ses fonctions en 2014. Cette année-là, il est invité à participer à un colloque consacré au maître hollandais à la National Gallery de Londres. Il vient y présenter le sixième et dernier volume du catalogue raisonné qu’il lui a consacré et dont la publication s’étale sur une trentaine d’années. Il vient aussi faire le bilan d’un demi-siècle de carrière. Et, à la surprise générale, il attribue au peintre 70 œuvres, dont certaines avaient été écartées par le Rembrandt Research Project au début de ses activités.

Également professeur d’histoire de l’art à l’université d’Amsterdam de 1987 à 1999, il eut parmi ses élèves un certain Taco Dibbits, actuel directeur du Rijksmuseum.Otto Naumann, marchand d’art et historien spécialiste des maîtres anciens, estimait que « ses décisions sur Rembrandt seront prises au sérieux pour très longtemps », selon des propos rapportés dans la nécrologie publiée dans le New York Times. Ajoutant : « Personne d’autre n’en sait autant que lui sur Rembrandt ; personne d’autre ne s’en approche seulement. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°573 du 17 septembre 2021, avec le titre suivant : Ernst van de Wetering (1938-2021)

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