Italie - Politique culturelle

POLITIQUE CULTURELLE ITALIENNE

En Italie, la politique culturelle sous Giorgia Meloni reste sans cap clair

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 25 septembre 2025 - 822 mots

Un an après son arrivée à la tête du ministère, Alessandro Giuli affiche quelques mesures phares mais peine à donner une orientation forte à la politique culturelle italienne, se réfugiant dans la polémique.

Giorgia Meloni. © Governo italiano, 2023, CC BY 3.0 IT
Giorgia Meloni.
Photo Governo italiano, 2023

Rome. Le gouvernement de Giorgia Meloni vante une extraordinaire stabilité. Il est solidement arrimé au pouvoir depuis trois ans. Le seul remaniement auquel s’est soumise de mauvaise grâce la présidente du Conseil italien concerne le ministère de la Culture (MIC). Il y a tout juste un an, elle congédiait sèchement Gennaro Sangiuliano, connu pour ses gaffes et son narcissisme qui faisaient les délices des médias. Ils se sont également régalés de son affaire d’adultère avec une influenceuse se livrant au chantage et aux menaces à peine voilées dans la presse pour arracher un poste au sein du MIC. Celle-ci n’aura obtenu que le limogeage de son amant, renvoyé à sa carrière originelle de journaliste. Le poste de correspondant de la RAI à Paris représente un maigre lot de consolation pour celui qui rêvait de « mettre un terme à l’hégémonie culturelle de la gauche ».

C’est la mission de son successeur et ancien confrère le journaliste Alessandro Giuli. Si l’actuel locataire du Palais du collège romain est bien plus sobre que son prédécesseur, il n’a pas manqué de se livrer à un exercice d’autocélébration dans une vidéo compilant les « meilleurs moments » depuis sa prestation de serment. Soient près de quatre minutes d’images grandiloquentes le montrant vêtu de son costume de dandy dans des poses inspirées ou méditatives lors de l’accueil de chefs d’État étrangers ou des inaugurations officielles, images accompagnées d’une musique rock.

« Relancer le marché de l’art »

Au-delà de l’ironie suscitée sur les réseaux sociaux et des critiques de l’opposition, il est déjà possible de tirer un premier bilan de l’action d’Alessandro Giuli. « C’est d’abord un changement important de style, constate Alberto Mattioli, auteur de Destra Maladreta (« la droite maladroite », éd. Chiareleterre, 2024, non traduit), ouvrage qui traite de la politique culturelle du gouvernement Meloni. [Alessandro Giuli] est moins naïf et gaffeur que Gennaro Sangiuliano et bien plus cultivé. En arrivant, il a fait preuve d’un esprit plus conciliant et moins vindicatif avec la gauche. » Alessandro Giuli émaille ainsi régulièrement ses prises de parole de références à Antonio Gramsci, l’un des fondateurs du Parti communiste italien. À l’automne 2024, il lance le « plan Olivetti », du nom d’un entrepreneur philanthrope socialisant. 34 millions d’euros sont alloués pour soutenir les bibliothèques publiques, en particulier dans les régions et les périphéries défavorisées. Autre motif d’orgueil pour Alessandro Giuli, celui d’avoir fait aboutir une des principales revendications du marché de l’art transalpin. Depuis le 1er juillet 2025, l’Italie applique un taux de TVA réduit de 5 % sur les cessions et importations d’œuvres d’art, d’objets de collection et d’antiquités, remplaçant le taux précédent de 22 %. En battant le taux français de 5,5 % souvent pris en exemple, le ministre assure « relancer le marché de l’art et soutenir un secteur confronté à une concurrence internationale croissante ».

« Malgré ces annonces économiques, il manque pourtant toujours des idées fortes, déplore Alberto Mattioli. La droite conservatrice se lamentait d’avoir été ostracisée du pouvoir, mais elle n’a rien à proposer maintenant qu’elle l’a. Pas plus qu’elle n’a de personnel politique à la hauteur pour occuper des fonctions importantes. Les nominations ont été médiocres ou modestes. Giorgia Meloni avait promis que ”le temps du copinage et du favoritisme en faveur de la gauche dans le monde de la culture est terminé”. Elle l’a juste remplacé par le copinage de droite. »

Une véritable politique culturelle demeure toujours aux abonnés absents. « Il faut remonter au fascisme pour que le pays en connaisse une », estime Alberto Mattioli. La Mostra de Venise, les triennales et quadriennales, Cinecittà, le Centro Sperimentale di Cinematografia…, autant de manifestations ou d’institutions que l’on doit au régime mussolinien. Il a ainsi fallu attendre 1975 pour qu’un ministère de la Culture soit créé en Italie. Il a presque toujours été confié à des personnalités sans envergure. »

Faute de porter de grands projets de réforme, Alessandro Giuli, ancien éditorialiste à la plume acérée, s’est replié sur ce qu’il fait le mieux : polémiquer. Il s’est ainsi lancé dans une violente diatribe contre les crédits d’impôts octroyés au monde audiovisuel. De l’argent servant selon lui à « des films fantômes puisque sur 459 projets financés entre 2022 et 2023, 345 ne sont jamais sortis en salle. Un système de fraudes et d’abus qui favorise surtout les grandes productions et les acteurs de gauche déjà établis ». De quoi unir le monde du cinéma vent debout contre le ministre, fustigé pour son arrogance et ses provocations. Dernière en date, le 2 août 2025. L’Italie se recueille à l’occasion des 45 ans de l’attentat de la gare de Bologne fomenté par des néofascistes. Alessandro Giuli préfère se rendre dans les Pouilles pour se souvenir de la victoire d’Hannibal à Cannes pendant la deuxième guerre punique. « C’est un repli évident, note Alberto Mattioli, il était conciliant, le voilà militant. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°661 du 19 septembre 2025, avec le titre suivant : En Italie, la politique culturelle sous Giorgia Meloni reste sans cap clair

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