Musée - Société

Des musées britanniques décident de ne plus utiliser le terme de « momie »

Par Alexandre Clappe · lejournaldesarts.fr

Le 31 janvier 2023 - 445 mots

ROYAUME-UNI

Le mot serait considéré comme « déshumanisant » en évoquant l’idée d’un objet plutôt que d’une personne.

Momie égyptienne au British Museum. © Ibex73, 2016, CC BY-SA 4.0
Momie égyptienne au British Museum. © Ibex73, 2016, CC BY-SA 4.0
Photo Ibex73, 2016

Le British Museum de Londres, les National Museums of Scotland (l’ensemble des musées publics écossais) et le Great North Museum de Newcastle ont décidé de changer leur terminologie concernant les momies. Ils préfèrent désormais parler de « restes momifiés de … » ou de « personne momifiée », des termes moins « irrespectueux », désignant des personnes plutôt que des objets. Le mot même de « momie » est dérivé de l’arabe mummiya qui signifie « bitume ». Il s'agit d'une référence aux XVIIIe et XIXe siècles, lorsque les restes momifiés étaient collectés en grand nombre et broyés pour fournir des ingrédients pour des produits comme les médicaments et la peinture. 

« Le mot "momie" n'est pas incorrect mais il est déshumanisant, alors que l'utilisation du terme "personne momifiée" encourage nos visiteurs à comprendre qu’ils sont en présence d’un individu », a déclaré une porte-parole des National Museums Scotland à Édimbourg au Daily Mail. Un membre du British Museum a néanmoins précisé que l’emploi du terme « momie » n’était pas interdit, ni prévu d’être supprimé des présentations ou expositions actuelles. 

Ce changement de langage pour décrire ces artéfacts de la culture égyptienne antique fait suite à un réexamen en cours du colonialisme au Royaume-Uni et de la manière dont les restes momifiés ont été traités dans le passé par l’Empire britannique.

Une assistante en archéologie du Great North Museum de Newcastle, Joanne Anderson, décrit par exemple dans un long billet de blog comment le musée avait traité et exposé les restes d'une égyptienne momifiée en 600 avant J.-C., surnommée Irtyru. Ramenée en Europe après la campagne d’Égypte de Bonaparte, elle fut achetée aux enchères par un lord anglais à Paris en 1825. La conservatrice explique qu’à l’époque, la fascination pour l’Égypte antique – ce qu'on appela l’« égyptomanie » - entraîna la profanation de nombreux restes momifiés comme ceux d’Irtyru, lors de « fêtes de déballage », d’abord organisées dans les maisons privées de l'élite, puis devant un public payant. Dans son texte, Joanne Anderson raconte le déballage de la momie de ses bandages par trois chirurgiens, l'application de gomme-laque et d'autres changements « épouvantables » effectués pour son exposition publique, comme la pose d’un anneau à travers son crâne pour permettre de la suspendre à la verticale, ou l’insertion d’une agrafe métallique dans sa colonne vertébrale pour la fixer à son cercueil.

Ces pratiques ont eu pour effet, selon la conservatrice, de nier l’humanité des momies dans l'imaginaire collectif européen, en en faisant des objets d’exposition alors que ce sont des personnes défuntes. Elle note ainsi que souvent, lors de la présentation de momies au public, un nombre important de visiteurs demande souvent si celles-ci sont des personnes « réelles »
 

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