Archéologie

Égyptomanie et égyptologie

Deux expositions illustrent la passion française de l’Égypte

Par Jean-François Lasnier · Le Journal des Arts

Le 30 janvier 1998 - 632 mots

Deux expositions parisiennes proposent, dans le cadre de l’année France-Égypte, d’explorer deux facettes de la passion pour la civilisation égyptienne. Si le Musée de la Légion d’Honneur s’intéresse, à travers l’exemple parisien, à la fortune de l’égyptomanie, l’Espace Électra retrace l’histoire de l’égyptologie, de l’époque des pionniers aux plus récentes investigations.

PARIS - “L’Égypte à Paris”, au Musée de la Légion d’Honneur, se présente comme un prolongement de l’exposition “Égyptomania” au Louvre, également conçue par Jean-Marcel Humbert. Moins riche en objets, elle évoque l’engouement français pour le Royaume des Pharaons, essentiellement à travers des documents photographiques et des gravures. De la place de la Concorde à la fontaine du Fellah, rue de Sèvres, en passant par le Louvre et la fontaine du Châtelet, Paris est imprégné par les formes égyptisantes, dont les principales sont l’obélisque, le sphinx et la pyramide. Pour tous les exemples conservés, l’exposition est une invitation à la découverte et à la promenade, au cimetière du Père-Lachaise notam­ment. Celui-ci abrite en effet de pittoresques tombes à l’égyptienne, celle de Joseph Fourier surmontée d’un buste du défunt dans un naos, ou encore celle de Champollion coiffée d’une obélisque. L’évocation des constructions disparues s’avère bien plus intéressante. Les expositions universelles, jusqu’en 1937, ont été fertiles en décors éphémères qui sont évoqués par une série d’estampes de qualité inégale et quelques rares photos. Pour celle de 1867, dans le Parc égyptien, un temple précédé par une allée de sphinx avait été reconstitué. De nombreux projets élaborés à la fin du XVIIIe siècle et jamais réalisés, comme un intéressant projet de tombeau pour Mirabeau, montrent l’emprise des rêveries égyptiennes sur l’imagination des artistes. Espérons que cette manifestation attirera l’attention sur le sort du cinéma “Le Louxor” construit dans les années vingt dans le quartier de Barbès, aujourd’hui à l’abandon et menacé de destruction.

Émergence d’une science
À côté de l’égyptomanie, la fascination pour cette antiquité mystérieuse a donné naissance, au début du XIXe siècle, à une science plus vivante que jamais : l’égyptologie. Avec “Égyptologie, le rêve et la science”, l’Espace Électra rend hommage aux scientifiques qui ont  patiemment bâti cette discipline, en commençant par Jean-François Champollion. Le parcours du rez-de-chaussée met en valeur l’action de sept pionniers : le déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion, les relevés de Nestor L’Hôte, les fouilles d’Auguste Mariette… Il n’est pourtant pas question d’hagiographie, puisque l’exportation illégale par Prisse d’Avennes de la Chambre des ancêtres, aujourd’hui au Louvre, est opportunément rappelée ; une attitude à opposer à celle de Mariette veillant au maintien des œuvres en Égypte. Chaque personnalité est évoquée par des documents personnels, et notamment des carnets de travail, des objets trouvés lors de fouilles, des gravures et des photographies anciennes, celles qui les représentent dans des costumes locaux étant certainement les plus pittoresques. La reconstitution du “cabinet de l’égyptologue” ressuscite les images romanesques du savant véhiculées par la bande dessinée ou le cinéma.

Au premier étage, quelques sites (Deir el-Medineh, Saqqarah, Tanis, Karnak, Nubie) évoquent de façon parfois spectaculaire l’action des archéologues français au XXe siècle. S’il fallait se convaincre de l’utilité de l’égyptologie, il suffirait, comme le fait l’exposition, de comparer les sites – l’allée des sphinx à Karnak, par exemple – à l’époque des premières fouilles et après l’intervention de nos égyptologues. Des objets récoltés sur ces sites et provenant de musées français complètent le tableau d’une activité toujours féconde.

L’Égypte à Paris, jusqu’au 12 avril, Musée de la Légion d’Honneur, 2 rue de Bel­le­chasse, 75007 Paris, tél. 01 40 62 84 25, tlj sauf lundi 14h-17h. Ca­tal­ogue par Jean-Marcel Humbert, éditions Ac­t­ion artistique de la Ville de Paris, 240 p., 290 F.

L’Égyptologie, le rêve et la science, jusqu’au 26 avril, Espace Électra, 6 rue Récamier, 75007 Paris, tél. 01 42 84 23 60, tlj sauf lundi et jours fériés 12h-19h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°53 du 30 janvier 1998, avec le titre suivant : Égyptomanie et égyptologie

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