Italie - Police

Archéologie

Coup de filet sans précédent pour l’Italie

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 28 janvier 2015 - 593 mots

ROME / ITALIE

Les autorités italiennes et suisses ont démantelé un important réseau de trafic illicite d’antiquités entre les deux pays, avec à la clé la restitution de plus de 5 300 pièces archéologiques.

5 361 pièces archéologiques d’une valeur estimée entre 45 et 50 millions d’euros, ont été présentées le 21 janvier au Musée national des thermes de Dioclétien, à l’issue du démantèlement d’un trafic italo-suisse d’antiquités. Habituée à faire tomber de vastes réseaux internationaux de trafics illicites, la brigade des carabiniers chargés de la protection du patrimoine culturel n’avait jamais connu une telle prise. Une longue enquête rythmée par des commissions rogatoires internationales a été nécessaire pour mener à bien l’opération « Thésée », baptisée d’après la pièce la plus emblématique de l’ensemble recouvré : une amphore corinthienne du VIe siècle av. J.-C., décorée de figures noires évoquant le mythe du héros grec.

Le ministre des Biens et des Affaires culturelles Dario Franceschini, le chef de la brigade spécialisée des carabiniers,Mariano Mossa, le procureur adjoint de Rome Giancarlo Capaldo et l’ambassadeur suisse Giancarlo Kessler étaient réunis pour présenter une sélection des pièces saisies à Bâle, en Suisse – céramiques (vases, amphores, kylix, cratères, loutrophores, œnochoés, canthares), statues votives, fragments de fresques, bijoux et bronzes, datant du VIIIe siècle av. J-C. au IIIe siècle et provenant de chantiers illicites dans les Pouilles, en Sicile, en Sardaigne et en Calabre.

Une enquête de longue haleine

À l’origine de ce vaste coup de filet, la restitution en 2009 à l’Italie du vase d’Assteas par le Getty Museum de Los Angeles, lourdement mis en cause par l’Italie et la Grèce dans les années 1990 pour avoir sciemment acquis des antiquités issues du trafic illicite. Les carabiniers avaient alors repéré Gianfranco Becchina, ancien chasseur d’hôtel parvenu à la tête d’une galerie en Suisse brassant des millions. Réalisée avec l’aide des polices genevoise et bâloise, une surveillance poussée a révélé un solide réseau d’échanges internationaux et guidé les enquêteurs vers cinq entrepôts richement garnis – antiquités non documentées, carnets d’adresses, factures et dossiers avec des photographies avant et après restauration… Les pièces ainsi récupérées sont « le fruit d’une dizaine d’années de fouilles clandestines », a précisé le chef de la brigade Mariano Mossa. Les carabiniers ont également sillonné le globe en quête d’objets antiques déjà vendus à l’aide de faux certificats d’authenticité à des collectionneurs privés et de grands musées aux États-Unis, en Allemagne, au Japon, en Australie ou encore en Angleterre.

Chaque pièce sera restituée, dans la mesure du possible, à sa région d’origine. Les musées archéologiques du Latium, de Campanie, de Sardaigne, des Pouilles, de Sicile et de Basilicate sont aux aguets. La surintendante romaine de l’Archéologie Maria Rosa Barbera cite parmi les objets phares une amphore corinthienne décorée du rapt des Leucippides, des céramiques d’Ignazia, des trousseaux funéraires provenant des nécropoles de Tarente et du Fusco, des fresques vésuviennes… « Il est évident que des sanctuaires et de nécropoles entières ont été pillés, se désole la surintendante. Toutes ces pièces sorties de leur contexte ne pourront jamais plus raconter leur histoire. »

Arrêté à l’aéroport de Milan pour vol, recel et exportation illégale, le trafiquant Gianfranco Becchina a été libéré car les faits sont prescrits. Son épouse a également été arrêtée en Suisse pour complicité. « Je pense qu’il est nécessaire d’alourdir les peines pour les délits concernant le patrimoine culturel. Plus les années passent et plus grandit la conscience qu’il s’agit d’un crime contre la collectivité et contre le patrimoine de l’humanité », a réagi le ministre de la Culture, qui indique mener en ce sens une réflexion poussée avec son homologue de la Justice.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°428 du 30 janvier 2015, avec le titre suivant : Coup de filet sans précédent pour l’Italie

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