Restitutions

SPOLIATION

CIVS : 20 ans de réparation et de mémoire

Par Catherine Gimonnet · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2020 - 706 mots

PARIS

La Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations a rendu son rapport d’activité 2019 et publie les actes du colloque organisé l’an dernier pour marquer son 20e anniversaire.

Michel Jeannoutot, président de la CVIS. © Thierry Marro, France Stratégie
Michel Jeannoutot, président de la CVIS.
© Thierry Marro, France Stratégie

Paris. Créée en 1999, la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites (CIVS) est un organe consultatif rattaché au Premier ministre. Ses magistrats rapporteurs instruisent les demandes d’indemnisation et son collège délibérant propose des mesures de réparation, d’indemnisation ou de restitution.

En l’espace de vingt ans, la commission a enregistré près de 30 000 dossiers et recommandé une indemnisation de 523 millions d’euros au titre des pillages, de la spoliation professionnelle et immobilière aussi bien que de la vente forcée ou encore de la confiscation d’argent et de comptes bancaires. Une somme importante mais qui reste bien en deçà de la réalité des spoliations subies par les Juifs sous l’Occupation.

En 2019, la CIVS a été reconduite pour cinq années supplémentaires. Car sa tâche est loin d’être achevée : elle reçoit encore en moyenne dix nouveaux dossiers par mois. Mais son travail devient plus difficile à mesure que le temps passe et que les victimes disparaissent. Paradoxe que rappelait lors du colloque organisé en novembre de l’année dernière François Bernard, le vice-président de la CIVS : la commission dispose « de la liste des comptes bancaires qui ont été bloqués, et des entreprises qui ont été aryanisées, et nous savons aussi quels sont ceux qui n’ont rien réclamé. Mais en l’absence d’autosaisine, nous ne pouvons intervenir ». La demande doit en effet émaner des victimes elles-mêmes ou de leurs ayants droit.

Des moyens renforcés dans le domaine des spoliations culturelles

Beaucoup reste donc à faire et l’impulsion donnée par Édouard Philippe, alors Premier ministre, a apporté de nouvelles prérogatives. S’agissant des biens culturels, et c’est une révolution, la CIVS peut désormais s’autosaisir. Une mission de recherche dévolue à ces questions a également été créée au sein du ministère de la Culture. Dirigée par David Zivie, elle travaille en synergie avec la CIVS pour instruire les dossiers de restitution.

Depuis 1999, environ 4 400 demandes ont concerné des biens culturels. Mais sur les 100 000 œuvres d’art disparues pendant l’Occupation, près de 40 000 n’ont pas encore été retrouvées. Un énorme travail sur les provenances reste à faire et la formation des juristes et des historiens de l’art commence à tenir compte de la technicité des sources. La mise en ligne de TED, une base de données regroupant près de 7 000 tableaux et dessins mentionnés dans les dossiers de la CIVS, va cependant aider à l’identification des œuvres volées.

Il y a aussi un défi juridique à relever : celui de l’inaliénabilité des collections publiques. Ce principe intangible, consacré par le Code du patrimoine, s’oppose à ce qu’une œuvre, même objet de spoliation, puisse être restituée. David Zivie, mais aussi Michel Jeannoutot, le président de la CVIS, ou encore l’avocate Corinne Hershkovitch ont eu l’occasion de rappeler lors d’une table ronde les contraintes de ce système, dont il faut espérer qu’il puisse être bientôt adapté à la question des spoliations.

De la recherche des ayants droit à la mémoire des victimes

Le travail de la CIVS, c’est aussi la recherche, patiente, complexe, des descendants, évoquée lors du colloque par Jean-Michel Augustin, magistrat rapporteur. Avec notamment l’épineuse question des parts réservées : lorsque, dans un dossier de réparation, la commission propose une indemnisation, cette somme doit être répartie entre les ayants droit. Or tous ne se manifestent pas. La commission réserve donc leur part d’indemnisation. Fin 2018, le montant cumulé de ces parts s’élevait à plus de 25 millions d’euros. Pour que le travail de réparation soit complet, il faut que tous puissent être retrouvés.

Cette question, qui dépasse largement le seul aspect financier, montre bien que le travail des magistrats de la CIVS a aussi une dimension plus symbolique qui touche à la mémoire et à la dignité des victimes. Comme l’a souligné Serge Klarsfeld, la CIVS est allée bien au-delà de sa mission de réparation matérielle. Elle a « remarquablement contribué à l’établissement de cette mémoire individuelle et familiale du sort des Juifs en France, qui est un des éléments à la base même de la mémoire contemporaine collective et sociale de notre pays ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°555 du 13 novembre 2020, avec le titre suivant : CIVS : 20 ans de réparation et de mémoire

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