Justice - Restitutions

Collection Dorville : un arrêt historique de la Cour de cassation

Par Pierre Noual, avocat à la cour · lejournaldesarts.fr

Le 27 novembre 2025 - 381 mots

La Cour admet qu’une vente en apparence légale est spoliatrice dans un cas particulier.

La Cour de cassation vient de rendre un arrêt très important dans une affaire de spoliation d’œuvres d’art pendant la Seconde Guerre mondiale. Traqué par le régime de Vichy car juif, l’avocat et collectionneur Armand Dorville décède en 1941 sans héritier. Son exécuteur testamentaire procède à la vente aux enchères de ses 445 œuvres en juin 1942 à Nice. Ayant découvert la judéité de Dorville, le Commissariat général aux questions juives nomme in extremis un administrateur provisoire. Lors de la vacation 12 œuvres sont acquises par les musées nationaux tandis que 9 œuvres, acquises par des particuliers, ont par la suite intégrées les collections publiques. Le produit de la vente est quant à lui confisqué par l’administrateur provisoire et ne sera remis aux héritiers survivants qu’après-guerre.

En 2019, les descendants d’Armand Dorville souhaitent faire reconnaître le caractère spoliateur de la vente pour obtenir la restitution de ces œuvres. La Commission pour la restitution des biens et l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites (CIVS) recommande la restitution des 12 œuvres « sur le fondement de l’équité », dont acte par la loi du 21 février 2022. En revanche elle refuse la restitution des 9 œuvres acquises par des particuliers, ce que la cour d’appel de Paris confirme le 5 décembre 2023, car la vente avait été réalisés sans violence.

Mercredi 26 novembre 2025, la Cour de cassation brise cette vision. Renversant sa jurisprudence traditionnelle elle fait droit aux descendants Dorville en admettant que les ventes en apparence légales sont spoliatrices « sauf s’il est établi […] que la nomination de l’administrateur provisoire est demeurée sans aucun effet jusqu’à l’exécution complète de l’acte ». Or, l’administrateur provisoire de la vente Dorville ayant « procédé à la confiscation de l’entier produit de la vente au détriment des héritiers […] sa nomination n’était pas restée sans effet ».

Pour Corinne Hershkovitch, avocat des descendants, « la Cour de cassation confirme l’importance de l’ordonnance du 21 avril 1945 et sa légitimité dans l’organisation des restitutions de biens spoliés ». L’arrêt d’appel étant cassé, la haute juridiction charge la cour de renvoi d’appliquer cette nouvelle définition. À terme, celle-ci devrait probablement accorder la restitution de ces 9 œuvres conservées au Louvre, à Orsay et aux musées de Dijon, Grenoble et Nice.

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