Chez les Gachet, les copies sont plus vraies que nature

Le Journal des Arts

Le 22 janvier 1999 - 475 mots

En prélude à l’exposition du Grand Palais sur la donation Gachet, le laboratoire des Musées de France a examiné dix Van Gogh, six Cézanne et leurs copies par le docteur Gachet, son fils et Blanche Derousse. Sans apporter de réponse définitive quant aux suspicions de faux pesant sur certains tableaux de la collection, les analyses confirmeraient l’hypothèse de l’authenticité, prônée par les conservateurs d’Orsay. La surprise vient plutôt d’une étude très technique qui invite à relire l’œuvre de Van Gogh.

PARIS - “L’originalité de l’étude menée sur une partie de la donation Gachet, souligne la conservatrice Danièle Giraudy, chargée de coordonner l’enquête, a été de pouvoir examiner à la fois les artistes et leurs copistes”. Ces derniers sont au nombre de trois. Tout d’abord le célèbre docteur, ami de Van Gogh et Cézanne, peintre et graveur à ses heures sous le nom de Paul van Ryssel (lire pages 13 et 14). Puis Gachet fils, dit Louis van Ryssel, plus habile, mais qui s’arrêterait de peindre vers 1902 pour se consacrer au classement du fonds qu’il donnera, cinquante ans plus tard, aux musées français. Et enfin, Blanche Derousse, à qui le docteur Gachet commande des copies pour illustrer le catalogue de sa collection. Si l’examen scientifique ne résout pas toutes les questions d’authenticité – le fils du docteur a-t-il vraiment cessé de peindre si tôt, et sinon, quel niveau aurait-il atteint ? –, il conforterait néanmoins l’opinion des conservateurs : les copistes n’étaient pas assez doués pour égaler un Van Gogh ou un Cézanne. Les grossissements et les radiographies font apparaître, selon Danièle Giraudy, de nettes différences entre originaux et imitations. Les maîtres construisent leurs tableaux rapidement, en touches vigoureuses sans dessin sous-jacent, alors que les copistes laissent certaines parties en réserve, arrêtant leur trait quand ils ont atteint la limite d’une forme. Le docteur Gachet trace même les contours avant de peindre. D’autre part, la belle qualité des toiles employées par les Gachet tranche avec les tissages épais et les supports médiocres des artistes, moins fortunés.

D’après ces observations, rien ne permettrait de désattribuer un Van Gogh très contesté – Les Vaches d’après Jordaens, conservé au Musée des beaux-arts de Lille –, ni même la Nature morte aux fruits du Musée de l’Orangerie, pourtant récemment retirée à Cézanne. La surprise vient d’ailleurs. La confrontation entre certaines aquarelles de Blanche Derousse, d’ordinaire très fidèle, et leur modèle par Vincent montrait d’étonnantes différences de coloris. Alerté, l’ingénieur de recherches Jean-Paul Rioux a pu prouver que, dans plusieurs toiles, deux pigments rouges de mauvaise qualité – une laque de géranium et un carmin de cochenille – s’étaient décolorés. C’est ainsi que dans le Portrait du docteur Gachet, une digitale pourpre est devenue bleue. De même, l’assez fade Roses et anémones aurait en fait mal vieilli. Paradoxe à méditer : certaines copies seraient maintenant plus justes que les originaux.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°75 du 22 janvier 1999, avec le titre suivant : Chez les Gachet, les copies sont plus vraies que nature

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