Art contemporain

A Béziers, l’art contemporain entre containers et panneaux d’affichage

Par Anne Devailly · lejournaldesarts.fr

Le 1 juin 2016 - 790 mots

BÉZIERS

BÉZIERS (HERAULT) [01.06.16] - Dans la ville dirigée par Robert Ménard, la scène de l’art contemporain a du mal à s’extraire du contexte politique très particulier. La preuve cette semaine par deux expositions qui se répondent.

Affiche de l'événement « L’art contemporain dehors »
Affiche de l'événement « L’art contemporain dehors »

Mercredi 1er juin, Robert Ménard, le maire de Béziers inaugure une exposition d’art contemporain originale : vingt containers posés dans différents endroits du centre-ville, chacun confié à un ou plusieurs artistes. Au total, trente artistes vont pouvoir ainsi montrer leurs œuvres, pour une opération montée par une association basée à Marseille, Mouv’art, qui a déjà exposé selon ce principe des containers à Marseille à cinq reprises. C’est donc une sixième édition pour l’association, la première en dehors de sa ville d’origine.

La mairie de Béziers a mis à disposition les lieux les plus emblématiques de la ville, dont les allées Paul Riquet, les « ramblas » biterrois… Cette exposition est inaugurée trois jours après que le maire a réuni dans sa ville toutes les grandes figures de la « droite extrême » au plan national, portant une fois de plus les projecteurs sur la politique particulière de ce maire, ancienne figure de Reporters sans Frontière, élu à la mairie avec les voix du Front national sans être lui-même encarté dans le mouvement.

« Arena Events a proposé à Béziers de monter cette opération d’art contemporain, explique Emmanuelle Saint-Denis, fondatrice de Mouv’art, et la ville a immédiatement soutenu le projet. Elle a mis à disposition l’espace public mais aussi du personnel pour que tous les sites soient gardés pendant les quatre jours. Elle nous a également demandé d’intervenir dans les quartiers. Il y a notamment un graffeur qui va réaliser une performance dans le quartier de la Devèze. L’opération va plus loin que les seules expositions dans les containers ». Toutes les œuvres, proposées directement par les artistes ou par l’intermédiaire de galeries sont à la vente. A Béziers, l’opération prend un nom spécifique, choisi en concertation entre Mouv’art et la ville, mais qui a laissé perplexes de nombreux artistes régionaux : « L’art contemporain dehors ». Un titre inscrit en grand sur les affiches mais que l’association Mouv’art a choisi cependant de ne pas reprendre sur son site.

Robert Ménard a prévu d’inaugurer en personne la manifestation par un discours ce mercredi à l’heure de l’apéritif. Il n’est évidemment pas facile pour une association de monter ce type d’opération dans une ville comme Béziers. Certains artistes ont refusé de participer, ne voulant rien devoir à cette mairie qui navigue entre droite et extrême-droite. Côté galerie, l’une des galeries de Béziers sollicitée s’est refusé à participer, pendant que les deux autres ont joué le jeu, estimant qu’il ne fallait pas sans cesse mêler art et politique.

Côté artistes, les choses sont encore plus complexes : la plupart des artistes présents viennent logiquement de Marseille et n’ont peut-être pas vu le contexte particulier qui règne à Béziers. Le sculpteur biterrois Lionel Laussedat, figure reconnue dans la région, a accepté de répondre à l’invitation de sa galerie, Dupré Dupré, mais en apportant sa touche personnelle : « J’ai voulu marquer ma différence, mais de façon républicaine », précise l’artiste, qui a installé une pioche et un marteau-piqueur, en acier, de dimension monumentale, pour une œuvre sur la construction-déconstruction, qui s’accompagne de la citation bien connue de Voltaire : « Il faut cultiver notre jardin », sous-titrée par l’artiste : « Faire référence aux philosophes des Lumières, c’est se souvenir des valeurs de tolérance et de partage inhérentes à la cité ».

Un autre artiste emblématique du Biterrois, Pierre Marquès, a choisi une position radicalement différente : non seulement il refuse de participer à une quelconque manifestation soutenue par Robert Ménard, mais il a tenu à organiser une exposition parallèle pour montrer son opposition. Demain, jeudi, dans la petite ville de Nissan-lez-Ensérune, juste à l’ouest de Béziers, cet artiste né à Béziers et qui vit aujourd’hui à Barcelone, inaugure l’exposition Memorandum sur les panneaux électoraux que la mairie (maire PRG) a très volontiers mis à sa disposition pour l’occasion. Il va y exposer des pochoirs représentant toute une série de figures de la résistance, dont le premier d’entre eux, Jean Moulin, natif de Béziers… « J’ai clairement pensé cette exposition dans l’optique de répondre à Robert Ménard. Je vais exposer des figures de la résistance, en y intégrant des figures actuelles, comme la maire de Barcelone, figure du mouvement des indignés, Ada Colau, ou le grec Alexis Tsipras ».

L’exposition de Pierre Marques n’a évidemment pas la même ampleur que celle de Mouv'art avec ses vingt containers et ses trente artistes, mais dans le contexte biterrois, elle va certainement rassembler, vingt-quatre heures après l’expo voulue par Robert Ménard, tous les élus biterrois clairement opposés au maire de Béziers.

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