Société

Éditorial

L’art contemporain à l’épreuve du populisme

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 21 novembre 2020 - 477 mots

FRANCE

Malgré les sondages qui prédisaient une large victoire de Joe Biden, il s’en est fallu d’une mèche de cheveu que Donald Trump ne soit réélu.

Mais Trump n’est que le symptôme d’un profond malaise social, car plus de 71 millions d’Américains, soit 8 millions de plus qu’en 2016, ont voté pour lui malgré sa politique erratique, ses mensonges et ses discours agressifs. Comme dans de nombreux pays, dont la France, la vague populiste ne faiblit pas. Elle se nourrit des inégalités économiques mais aussi d’un sentiment d’exclusion culturelle.

À cet égard, on serait malavisé d’ignorer les propos du polémiste Éric Zemmour au sujet de l’art contemporain, que nous reproduisons ci-dessous. Cette diatribe traduit l’exaspération, précisément de cette partie de la population séduite par les populistes. En stigmatisant deux tendances pourtant politiquement opposées – la financiarisation (qui serait plutôt de droite) et ce qu’il appelle le « prêchi-prêcha » (de gauche) –, Zemmour dépasse le clivage traditionnel au profit du clivage élite/anti-élite.

Au passage, on remarque qu’Éric Zemmour se garde bien de pointer du doigt l’appropriation de l’art contemporain par les hommes d’affaires ou les marques de luxe (on est dans Le Figaro). Alors que le nœud du problème se situe ici : le grand public appréhende l’art contemporain moins à travers les œuvres qu’à travers ses ultrariches acheteurs et sponsors. Et à l’heure des « gilets jaunes », cette assimilation passe mal.

Ce rejet de l’image de l’art contemporain n’a rien de nouveau dans l’histoire de l’art, mais ce qui est préoccupant aujourd’hui, c’est qu’il devient un enjeu social (enfin, soyons honnête, dans des proportions limitées) à l’heure où la société se fracture. Comme souvent, l’image ne colle pas à la réalité : le grand public apprécie l’art contemporain dans sa version art monumental urbain ou street art. Et pour peu que l’on prenne le temps de lui expliquer simplement, il comprend, sans forcément les apprécier, nombre d’œuvres moins immédiates.

C’est encore et toujours un problème d’incarnation. Pour faire pièce à Éric Zemmour et aux élites qu’il fustige, il faudrait un Stéphane Bern de l’art contemporain, une personnalité populaire, authentique, capable de tourner en dérision les médiocres créations pour mieux faire apprécier les œuvres qui vont résister au temps. Monsieur Macron, lancez vos chasseurs de tête !
 

Le Figaro - 4 novembre 2020 / Éric Zemmour, éditorialiste 

« Un système qui vit en vase clos, au milieu d’une classe internationale hors sol, considère l’œuvre d’art comme un produit financier, et utilise les musées comme une certification artistique d’objets qui n’ont en soi aucune autre valeur esthétique : paradoxal quand on se veut transgressif. C’est l’univers des ultrariches, des enchères folles et médiatisées, des ports francs et du blanchiment d’argent sale, du prêchi-prêcha sur la diversité, le genre, l’antiracisme et la défense des droits LGBT, les provocations d’adolescent boutonneux, et de la beauté traitée comme une pestiférée, l’élégance des formes comme un fascisme. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°555 du 13 novembre 2020, avec le titre suivant : L’art contemporain à l’épreuve du populisme

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