Entretien

Bérénice Angremy, attachée culturelle à l’ambassade de France à Pékin

« La France est le premier partenaire culturel de la Chine »

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2012 - 733 mots

Attachée culturelle à l’ambassade de France à Pékin, Bérénice Angremy évoque le « soft power » chinois et revient sur les relations culturelles entre la France et la Chine.

Éric Tariant : Dans un discours prononcé en début d’année 2012, l’ancien président chinois Hu Jintao déplorait que le rayonnement culturel de la Chine ne soit pas à la hauteur de son rayonnement économico-politique. Par quoi se traduit aujourd’hui l’affirmation du « soft power » Chinois ?
Bérénice Angremy : Ce volontarisme se traduit notamment, au niveau national, par la construction de nombreux musées et, sur le plan international, par la participation d’artistes chinois à des expositions à l’étranger. Les pouvoirs publics chinois commencent, depuis 2010, à financer des expositions de leurs artistes.

E.T. : Le font-ils sur le modèle des États-Unis après la Seconde Guerre mondiale ?
B.A. : Tout à fait. Jusqu’à présent, c’étaient surtout des individus, des passionnés, qui s’employaient à soutenir les artistes chinois à l’étranger. Le gouvernement se sentait un peu exclu de ces initiatives. Rappelons que l’art contemporain n’est présent en Chine que depuis trente ans, depuis le mouvement Les Étoiles, né en 1979. Au début des années 1980, la scène contemporaine était complètement underground. Cela ne fait que dix ans que les pratiques contemporaines ne sont plus taboues en Chine. Et seulement cinq ans que les Chinois s’intéressent à l’art contemporain. La France est aujourd’hui, dans le domaine culturel, le premier partenaire étranger de la Chine, devant la Grande-Bretagne. Nous sommes devenus le principal pays de référence, notamment avec notre festival « Croisements ».

E.T. : Comment se porte ce festival culturel franco-chinois ?
B.A. : Croisements existe depuis sept ans en Chine. Il est le résultat des années croisées France-Chine. Il a été lancé en 2006 à l’initiative des précédents présidents français et chinois. La Chine n’avait jamais eu de tels échanges culturels avec un pays étranger. Ces années croisées ont entamé un processus et permis aux Chinois de découvrir que les cultures occidentales n’étaient pas uniquement du « folklore ». Par la suite, les Chinois ont renouvelé ce type d’opérations en lançant l’Année de l’Espagne en Chine, puis l’Année de l’Allemagne, et celle de la Russie. Nous sommes fiers d’avoir initié ces relations culturelles bilatérales. Depuis 2006, nous faisons venir des artistes français ou des professions artistiques françaises en Chine afin qu’ils collaborent avec des artistes chinois. Nous avons notamment travaillé avec le Ullens Center for Contemporary Art sur le thème de l’influence exercée par Marcel Duchamp sur les artistes chinois contemporains. Nous avons établi une collaboration fructueuse avec les Rencontres d’Arles, qui se sont installées à Pékin sous la forme d’un festival annuel.

E.T. : Qu’en est-il du rayonnement des artistes français en Chine ?
B.A. : Nous soutenons des expositions, et nous essayons de faciliter les rencontres entre les artistes français et les institutions chinoises. Dans cet objectif, nous avons fait voyager des administrateurs et des commissaires d’exposition chinois en France. On pouvait voir, lors de la dernière Biennale de Shanghaï, des artistes français comme Sophie Calle.

E.T. : Le galeriste pékinois Xin Dong Cheng multiplie les expositions d’artistes chinois à l’étranger et d’artistes français en Chine. Y a-t-il d’autres acteurs ou structures qui organisent des expositions d’artistes français en Chine ?
B.A. : Aussi régulièrement que cela, non. La galerie Continua présente régulièrement des artistes français à Pékin. Tout comme deux petites galeries pékinoises dirigées par des Françaises, l’Imagine Gallery et la galerie Jially (fondée par Daphné Mallet), qui montrent, elles, de jeunes artistes de l’Hexagone. La Maison des arts Yishu 8 [lire ci-contre] permet elle aussi découvrir de jeunes artistes français, pas encore reconnus.

E.T. : Existe-t-il un réel boom des constructions de musées en Chine ?
B.A. : On parle en effet de cent musées construits chaque année en Chine, tous arts confondus. Ce sont en majorité des musées dédiés aux arts visuels ou à l’histoire. On en trouve dans les grandes métropoles, mais aussi dans les « petites villes » de cinq millions d’habitants. Une série de trois ou quatre très beaux musées vient d’ouvrir à Tianjin par exemple. Ce sont souvent d’énormes vaisseaux vides, faute d’avoir pris le temps de réaliser des acquisitions ou d’organiser des expositions. Il n’y a pas de toujours de programmation bien arrêtée, ni de projet culturel très clair. Ces musées souffrent aussi du manque de qualification de leurs personnels. Tout va se mettre en place au fur et à mesure, avec le temps.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°381 du 14 décembre 2012, avec le titre suivant : Bérénice Angremy, attachée culturelle à l’ambassade de France à Pékin

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