Disparition de Jean Giraud, alias Moebius, figure majeure de la bande dessinée française

Par Doriane Lacroix Tsarantanis · lejournaldesarts.fr

Le 13 mars 2012 - 574 mots

PARIS [13.03.12] – Le dessinateur et scénariste français est décédé le 10 mars des suites d’une longue maladie. Jean Henri Gaston Giraud, de son vrai nom, aurait eu 74 ans cette année. Il restera l'un des créateurs les plus audacieux de sa discipline. PAR DORIANE LACROIX TSARANTANIS

« Mon ambition était féroce. Je voulais casser la baraque, que le monde de la BD soit stupéfait » avait déclaré l’artiste, qui a réussi à faire de la bande dessinée un art à part entière. Gilles Ratier, le secrétaire général de l'Association des critiques de BD (ACBD), a déclaré que « toute la profession est sous le choc, totalement effondrée ». Pour Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, « Il y avait celui qui, sous son propre nom, ou celui de Gir, a créé la merveilleuse série western Blueberry, depuis longtemps entrée dans le panthéon des grands classiques de la bande dessinée. Et il y avait un autre Jean Giraud, aussi talentueux mais très différent du premier, un Giraud qui se faisait appeler Moebius », pseudonyme qui lui a permis de mener une carrière parallèle, moins grand public, et de signer des œuvres de science-fiction telles que L'Incal ou Arzach.

Jean Giraud a publié ses premiers dessins en 1957. Il crée sous son nom en 1963 le lieutenant Blueberry, personnage de western devenu l'un des héros les plus célèbres de la BD française. Puis il co-fonde en 1975 la revue Métal Hurlant, ressuscitant ainsi le pseudonyme Moebius, inspiré du mathématicien allemand créateur du ruban du même nom, qu'il avait utilisé en 1962 dans le magazine Hara-Kiri. Le dessinateur avait déclaré que c’était « une signature, un logo qui ouvrait toutes les portes (…) Ce que nous voulions, c'était sortir du cadre relativement restreint, sous surveillance parentale, policière, de la BD de l'époque ». Moebius, c'est ainsi le triomphe de la liberté et de l'exploration. Il reçoit le Grand Prix du Festival de la BD d'Angoulême en 1981.

Comme l’a précisé le ministre de la Culture, « Il était l'un des très rares dessinateurs français à avoir une dimension internationale, à avoir influencé ses confrères américains et aussi de grands cinéastes de science-fiction ». Jean Giraud a mené une longue carrière qui lui a permis de devenir l’un des maîtres de la bande dessinée européenne, mais il sera aussi reconnu aux États-Unis par les lecteurs de comics et au Japon par les fans de mangas. Il a ainsi travaillé avec Stan Lee pour l’illustration du Surfer d'Argent, et a revisité le mythe d'Icare avec Jiro Taniguchi, un maître du manga japonais. Il a également collaboré à la conception de films de Ridley Scott ou Luc Besson, tels que Alien et Le Cinquième élément.

Le dessinateur avait bénéficié en 2010 d’une grande rétrospective à la Fondation Cartier pour l’art contemporain à Paris. Le parcours avait été conçu comme une exposition d’art contemporain, et il avait alors déclaré au Journal des Arts qu’il souhaitait ainsi faire reconnaître « une démarche, c’est-à-dire une tentative pour s’affranchir du créneau dans lequel la bande dessinée semble avoir été destinée à demeurer. ». Mais c’est sa place dans l’histoire de l’art que Jean Giraud semblait surtout revendiquer lorsqu’il affirmait que : « Dans les années 1970, toute une génération avait travaillé pour émanciper le genre. Il a fallu entrer par intrusion dans la famille des artistes. Pour ma part, j’ai toujours proclamé que je m’asseyais à la table de Picasso et Vermeer ».

Légende photo

Jean Giraud au festival international de la BD à �?ódź, le 4 octobre 2008 - © Photo : Jarek Obważanek, WRAK.PL - 2008 - Licence CC BY-SA 3.0 

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