Politique

Dépouillée par Trump, la communauté artistique prête à la contre-attaque

Par Shahzad Abdul (correspondant à Washington) · lejournaldesarts.fr

Le 17 mars 2017 - 794 mots

WASHINGTON (ETATS-UNIS) [17.03.17] – Après la présentation du budget Trump qui supprimerait purement et simplement tout financement aux agences fédérales culturelles à partir d’octobre 2017, la mobilisation commence à prendre forme.

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Le silence, inévitablement, est sujet à interprétation. Sans le moindre indice sur la forme que prendrait une politique culturelle version Donald Trump, la communauté artistique américaine s'était divisée ces derniers mois en deux camps. Le premier, optimiste, espérait que le nouveau président épargnerait l'art. Le second, au contraire, craignait que sa rhétorique souvent incendiaire ne se mue en hostilité frontale. L'annonce, hier jeudi 15 mars, d'un projet de budget qui supprimerait net l'ensemble du financement des quatre agences fédérales pour l'art, soit près d'1 milliard de dollars, a brutalement douché les espoirs et alimenté les craintes.

Le milliardaire républicain ne veut plus que le moindre denier public aille à la très influente NEA (National Endowment for the Arts) dotée de 148 millions de dollars, ni à la NEH (National Endowment for the Humanities, 148 millions), l'Institute of Museum and Library services (230 millions) ou encore à la Corporation for Public Broadcasting (445 millions).

Même si le texte doit encore être examiné au Congrès, qui tient in fine les cordons de la bourse, l'attaque directe a provoqué la colère et l'indignation de la planète artistique aux Etats-Unis. « Nous sommes déçus car nous constatons que nos financements changent la donne auprès de personnes de tous âges dans des milliers de communautés, grandes, petites, urbaines et rurales, ainsi que dans chaque circonscription du pays », a déploré Jane Chu, présidente de la NEA, qui impulse la politique culturelle en Amérique. Pour l'instant, étant donné que le budget proposé pour l'année fiscale 2018 qui commencera le 1er octobre prochain n'est pas entériné, « la NEA continue d'opérer comme d'habitude jusqu'à ce qu'un nouveau budget soit validé au Congrès », a-t-elle ajouté.

Même son de cloche à la NEH, dont le président William Adams s'est dit « terriblement attristé d'apprendre la proposition d'éliminer » son agence, étant donné qu'elle « apporte des contributions significatives au bien public depuis plus de 50 ans », notamment grâce à 63 000 projets soutenus.

Si ces agences fédérales sont tenues à la réserve, le reste de la communauté artistique s'est lancée dès jeudi dans une intense campagne de lobbying pour convaincre le Capitole de ne pas abandonner l'art. D'autant que la Chambre des représentants doit proposer son propre budget dans les mois à venir. « Je suis confiant dans le fait que le Congrès prendra le temps de dire : "Eh, attendez une seconde. Nous avons besoin de cette culture dans notre société" », espère Brian Ferriso, président de l'association des directeurs de musées d'art, « effaré » par le budget Trump.

La puissante organisation Americans for the Arts Action Fund fait partie de celles qui ont d'ores et déjà commencé à faire pression. « L'objectif est de conserver les financements tels qu'ils sont actuellement », explique sa directrice Nina Ozlu Tunceli au Journal des Arts. L'art en général et les agences visées en particulier « bénéficient d'un soutien bipartite au Congrès, où de nombreux élus des deux bords nous disent qu'ils n'accepteront pas le budget en l'état », assure-t-elle, qualifiant le texte d' « intolérable ». Son organisation, reconnaît Mme Tunceli, « s'attendait à une baisse des subventions », mais pas à l'assèchement complet des financements. « Nous pensions que le président Trump était entouré de personnes pour le conseiller et qu'il n'était pas livré à lui-même », assène-t-elle encore.

« Ce budget est le fruit d'idées obsolètes qui témoignent d'un manque de compréhension du rôle important joué par la NEA en Amérique aujourd'hui. Il ne pouvait pas être plus malavisé », abonde Robert Lynch, président d'Americans for the Art. Lui aussi croît en un revirement de situation et veut s'assurer « que le Congrès comprenne l'impact de l'art dans les Etats et les circonscriptions ».

L'adoption de la mouture Trump ne serait toutefois pas synonyme de mort subite pour les agences concernées. Les finances publiques seraient coupées mais elles pourraient encore vivre sur les fonds existants. Avec la nécessité de se réformer de A à Z. Pour éviter d'en arriver là, plusieurs élus ont déjà commencé à se mobiliser, jusque dans la famille politique du président. « Je vais travailler [...] pour m'assurer que ces programmes soient financés. Tous mes pairs ont des établissements d'art dans leurs circonscriptions. Cela affecte tous les Etats », a ainsi affirmé le député républicain du New Jersey, Leonard Lance.

Et pour faire pencher la balance dans ce combat qui s'annonce serré, des centaines d'électeurs des 50 Etats convergeront sur Washington les 20 et 21 mars, à l'occasion de la journée de la promotion de l'art.

Le silence, pour eux, n'est plus de mise.

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Caricature de Donald Trump "Nope" (Nan, non) - Image Tiburi - Licence Domaine public CC0 1.0

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