Port franc

Les Ports Francs de Genève veulent se débarrasser de leur image négative

Par Nathalie Eggs · lejournaldesarts.fr

Le 10 juin 2016 - 602 mots

GENEVE / SUISSE

GENEVE (SUISSE) [10.06.16] – Les Ports Francs et Entrepôts de Genève vont mandater une société privée pour contrôler la provenance des objets archéologiques avant qu’ils ne soient stockés. Mais David Hiler, le président de la zone franche genevoise, regrette son impuissance face à la législation anti-blanchimenent fédérale.

Mercredi 7 juin, la direction des Ports Francs et Entrepôts de Genève présentait le bilan des mesures prises au niveau de l’institution pour lutter contre le trafic illégal de biens culturels et le blanchiment dans le marché de l’art. A cette occasion, le directeur général Alain Decrausaz, a annoncé la mise en place, à partir de cet été, d’un contrôle accru sur les objets archéologiques avant qu’ils n’intègrent les entrepôts des ports francs, rapporte Pierre-Alexandre Sallier pour la Tribune de Genève. Une société privée sera mandatée pour effectuer en toute indépendance ces recherches de provenance, parallèlement aux contrôles ponctuels des douanes.

Cette disposition ne mettra pas pour autant l’institution fondée en 1889 et détenue à 87 % par le canton de Genève à l’abri de nouveaux scandales, avertit David Hiler, président des Ports Francs et Entrepôts de Genève. La traçabilité des œuvres n’est effective que depuis la loi fédérale sur le transfert international des biens culturels (LTBC) de 2005 et les souplesses accordées dans les années 80 et 90 vont continuer à alimenter leur lot de révélations au fur et à mesure des inventaires réalisés par les douanes.

Par ailleurs, si l’examen approfondi des antiquités avant leur acceptation a le mérite d’établir le pedigree complet des œuvres archéologiques candidates à l’entreposage en zone franche, les ports francs ne sont toujours pas tenus de procéder aux recherches sur l’identité des bénéficiaires de l’entreposage – souvent masqués derrière des sociétés-écrans.

Les faibles effectifs (32 employés dont la moitié de manutentionnaires) des ports francs de Genève ne le permettraient d’ailleurs pas, de même que ceux des douanes, qui se cantonnent à vérifier si la marchandise est déclarée.

Dans l’entretien qu’il a accordé à la Tribune de Genève, David Hiler « regrette le manque de pouvoir de contrôle de l’institution ». Evoquant un contexte verrouillé par Berne, il revient sur l’ordonnance sur le blanchiment d’argent adoptée en novembre dernier par le Conseil fédéral et en vigueur depuis le 1er janvier 2016 : « En novembre dernier le Conseil fédéral a décidé de se limiter à imposer l'enregistrement du nom du propriétaire – particulier ou société – auquel est affiliée une pièce. Il est de notoriété publique que Berne avait également étudié une autre version, plus drastique, exigeant l'identité des véritables bénéficiaires, s'ils sont masqués par des sociétés-écrans. Elle n'a pas été retenue et avec Pierre Maudet [le Chef du Département de la Sécurité et de l'Économie (DSE) de Genève] nous avions immédiatement souligné que Berne n'allait pas assez loin en maintenant cette faille dans les dispositifs anti-blanchiment ».

Ce cadre est en effet moins contraignant que celui d'autres pays. A Monaco, les autorités exigent de connaître le nom de l'ayant droit économique des marchandises ; à Luxembourg – où le port franc a été créé par Yves Bouvier – les zones appliquant un régime de dépôt franc sous douane sont soumises aux mêmes obligations de contrôle anti-blanchiment que les banques.

Davantage de coopération entre les Etats semble nécessaire et l’ancien président du Conseil d’Etat genevois s’est dit préparé à un renforcement de la réglementation internationale. Le Groupe d'action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental qui lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, a étudié le modèle des ports francs de Genève il y a trois mois et ses conclusions sont attendues d’ici à la fin de l’année.

Légende photo

David Hiler, président des Ports Francs de Genève - © Photo faustino - 2008 - Photo sous Licence Domaine public CC0 1.0

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