Politique

Durcissement en vue de la répression contre le trafic d’objets culturels par des groupes terroristes

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 1 février 2016 - 512 mots

PARIS [01.02.16] - Le texte de l’avant-projet de loi sur le crime organisé prévoit une infraction spécifique liée au trafic de biens culturels provenant d’un « théâtre d’opérations de groupements terroristes ». Mais sa mise en œuvre n’est pas sans poser de difficultés.

Le trafic des « antiquités du sang », termes désignant le commerce illicite de biens culturels issus de régions en guerre, constituerait une source importante de financement des groupes terroristes, notamment en Irak et en Syrie.

Le Gouvernement français en a fait une de ses préoccupations dans la lutte menée contre le terrorisme international. Deux textes législatifs viendront ainsi consacrer de nouveaux moyens au profit de la préservation des biens culturels menacés, dont le fameux « droit d’asile » dans le projet de loi relatif à la liberté de création, et à la répression du trafic, avec le présent avant-projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement.

Un nouvel article 421-2-7 serait inséré dans le code pénal afin de punir de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende « le fait d’importer, d’exporter, de faire transiter, de détenir, de vendre, d’acquérir ou d’échanger un bien culturel présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique en sachant qu’il provient d’un théâtre d’opérations de groupements terroristes et sans pouvoir justifier la licéité de l’origine de ce bien ».

La condamnation ne pourra donc être retenue qu’à condition que la personne poursuivie ait eu connaissance à la fois de l’origine géographique du bien et de l’agissement de groupes terroristes sur cette zone géographique au moment des faits.

Or, la délimitation géographique du « théâtre d’opérations » pourrait soulever des difficultés, voire des incongruités faute de définition et au regard de l’instabilité de l’établissement de ces groupes terroristes.

Dans la rédaction antérieure du texte, l’importation licite d’un bien provenant de Syrie, d’Irak ou de Lybie aurait pu entraîner en elle-même condamnation. C’est pourquoi, la version définitive du texte, que Le Journal des Arts a pu consulter, prévoit désormais la nécessité de ne « pouvoir justifier la licéité de l’origine de ce bien » pour entraîner une condamnation sur ce fondement.

Mais alors la licéité de l’origine du bien semble poser une nouvelle difficulté. Un bien archéologique issu de fouilles illégales menées par Daech pourrait être blanchi auprès d’un marchand d’une zone limitrophe non contrôlée par le groupe terroriste et être revendu sur le marché international à condition de présenter tous les gages de licéité. Quels seront alors les justificatifs à présenter par un marchand français ? Quelles vérifications celui-ci devra-t-il mener afin de se prémunir de toute action pénale à son encontre ? L’incertitude est ici de mise et pourrait paralyser l’application du dispositif à venir.

Parallèlement, la commission de la culture au Sénat a adopté la semaine dernière un amendement du rapporteur du texte, Jean-Pierre Leleux (LR), à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de création. L’amendement porte de 2 à 5 ans la peine d’emprisonnement actuellement prévue par l’article L. 114-1 du Code du patrimoine en cas d’exportation ou de tentative d’exportation d’un bien culturel illicitement.

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Antiquités à Palmyre © HO / WELAYAT HALAB / AFP

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