Ukraine - Russie - Art contemporain

Les forces pro-russes en Ukraine ont détruit une œuvre de Pascale-Marthine Tayou

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 26 juin 2015 - 372 mots

UKRAINE [26.06.15] - L’installation Make Up... Peace ! de l’artiste franco-camerounais Pascale-Marthine Tayou, une cheminée d’usine de 30 mètres coiffée d’un tube de rouge à lèvres, a été dynamitée le 22 juin par les forces pro-russes occupant la région du Donbass (Est de l’Ukraine).

Pascale Marthine Tayou - Make up… Peace!, 2012, fer, peinture, 562 x 250 cm, Collection IZOLYATSIA - Photo Galleria Continua
Pascale Marthine Tayou - Make up… Peace!, 2012, fer, peinture, 562 x 250 cm, Collection IZOLYATSIA.
© Galleria Continua

Une vidéo postée mercredi soir par les paramilitaires atteste de la destruction. Surpris par la puissance de l’explosion, les soldats témoins de la scène lâchent une bordée d’injures et suggèrent que quelque chose ne s’est pas passé comme prévu.

L’oeuvre de Pascale-Marthine Tayou avait été créée en 2012 sur le territoire du centre d’art contemporain Izolyatsia, dans les environs de Donetsk. Elle faisait partie d’une exposition intitulée « Où est le temps », co-organisée par Izolyatsia et la galerie italienne Continua, dans laquelle six artistes renommés ont métamorphosé la friche industrielle, devenue le territoire d’Izolyatsia.

L’artiste franco-camerounais avait réalisé son installation permanente Make Up... Peace ! comme un hommage aux femmes du Donbass ayant participé à la reconstruction de la région après la Seconde Guerre mondiale. L’appropriation féministe de la cheminée, le symbole le plus phallique de la friche industrielle, a manifestement agacé les nouvelles autorités militaires.

Sa destruction par un groupe armé prétendant protéger le Donbass des « néo-nazis de Kiev » semble à première vue paradoxale. Les séparatistes pro-russes menant une guerre contre l’Ukraine, se disent les héritiers des vétérans antifascistes de l’Armée Rouge et professent un culte syncrétique du prolétariat et de la Russie impériale.

Mais dans les faits, leur intolérance envers toute pensée ou manifestation alternative est totale. Dès le 9 juin 2014, lorsqu’ils ont pris par la force le contrôle d’Izolyatsia, les paramilitaires pro-russes ont professé leur dégoût de l’art contemporain et se sont entraînés à tirer sur des oeuvres de la collection rassemblée par la fondatrice du centre d’art contemporain Luba Michailova. Chassés sous la menace des armes, le personnel d’Izolyatsia n’a pu sauver qu’une petite partie d’une collection comprenant, entre autre, des oeuvres de Daniel Buren (France), Cai Guo Qiang (China), Leandro Erlich (Argentina), Kader Attia (France), Luba Malikova, Zhanna Kadyrova, APL315, Hamlet Zinkovsky (Ukraine).

La direction d’Izolyatsia a réagi par un communiqué condamnant la destruction. Depuis l’été dernier, Izolyatsia a déménagé à Kiev, où le centre poursuit ses activités artistiques.

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