Ventes aux enchères

Lourdes sanctions disciplinaires contre Europ Auction

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 28 janvier 2014 - 806 mots

PARIS [28.01.14] - Au terme d'une décision disciplinaire du 24 janvier 2014, le Conseil des ventes volontaires a prononcé une interdiction d'activité de neuf mois pour l'opérateur Europ Auction et de trois mois pour deux de ses commissaires-priseurs.

La violation délibérée et réitérée des règles professionnelles par des commissaires-priseurs habilités est systématiquement sanctionnée par le Conseil des ventes volontaires. En effet, depuis la loi du 20 juillet 2000, et au terme de l'article L.321-18 du code de commerce, ce dernier s'est vu confier la mission de « sanctionner les manquements aux lois, règlements et obligations professionnelles ». Or, la liste des griefs visés en l'espèce s'avérait particulièrement étoffée. La décision du 24 janvier 2014 s'apprécie comme un véritable inventaire des violations potentielles des règles imposées au tiers de confiance qu'est le commissaire-priseur.

Ainsi, sur une période s'étendant de septembre 2010 à novembre 2013, il est reproché à l'opérateur d'avoir établi deux réquisitions de vente au bénéfice de deux personnes distinctes pour un seul et même bien, de ne pas avoir réglé le vendeur dans les deux mois suivant la vente d'un bien, d'avoir organisé une vente fictive de deux biens, d'avoir fait publier de fausses informations dans la Gazette Drouot, d'avoir vendu aux enchères des biens lui appartenant ou appartenant à l'un de ses dirigeants, sans en avoir fait mention dans la publicité, d'avoir dressé et signé un procès-verbal dans des conditions irrégulières, d'avoir masqué le nom de certains adjudicataires sur le procès-verbal de deux ventes et de ne pas avoir versé le produit d'une vente sur un compte de tiers. Si les deux derniers manquements n'ont pas été constitués selon le Conseil, les six autres justifiaient une sanction sur le double fondement des dispositions du code de commerce et du Recueil des obligations déontologiques, pour les faits postérieurs à son entrée en vigueur.

Une vente fictive
Au cœur de la décision se dessine l'organisation par Europ Auction de tout un montage en vue de promouvoir fictivement la renommée de l'opérateur. En effet, une vente aux enchères publiques fictive de deux cabinets Boulle a été réalisée le 14 septembre 2012. Qualifiée de vente « prestigieuse », en raison de la mise au feu des enchères de pièces « uniques, irremplaçables et inestimables... parmi les dernières en mains privées », celle-ci avait fait l'objet d'une publicité dans pas moins de trois numéros de la Gazette Drouot. Or, tout ceci n'était en réalité qu'un écran de fumée, les deux cabinets ayant été vendus de gré à gré douze jours avant la vente aux enchères publiques. La supercherie, dévoilée au terme d'une enquête réalisée sur délégation du Commissaire du Gouvernement, impliquait également le personnel de l'opérateur ayant fait monter artificiellement les enchères à hauteur du prix de la vente de gré à gré. Europ Auction avait ainsi violé les règles et principes de transparence et de loyauté et publié de fausses informations propres à tromper le public dans un « intérêt purement personnel ».

De même, l'opérateur avait également trompé le public en procédant par trois fois à la vente de dix-sept biens appartenant à son dirigeant sans en faire mention dans sa publicité, en violation tant des dispositions de l'ancien article L. 321-4 que de l'article L. 321-5 du code de commerce que l'article 1.7.1 du Recueil des obligations déontologiques. Lors de la dernière vente, datant du 13 novembre 2013, les biens avaient été ainsi faussement mentionnés dans les réquisitions comme appartenant à une tierce personne. Quant aux deux premières ventes, le commissaire-priseur les ayant dirigées n'avait ni dressé ni signé les procès-verbaux, en violation de l'article L. 321-9 du code de commerce. Au contraire, une autre commissaire-priseur y avait procédé, or, ainsi que le rappelle à juste titre le Conseil, « aucune délégation de signature, fut-elle donnée à un commissaire-priseur, ne peut être opérée par celui qui dirige la vente ». La violation de l'article 2.3.3 du Recueil des obligations déontologiques était alors caractérisée pour la dernière vente.

Au regard de l'article L. 321-22 du code de commerce, le Conseil bénéficie d'un panel de sanctions applicables aux opérateurs de ventes volontaires, compte tenu de la gravité des faits reprochés. Ainsi, il peut choisir entre l'avertissement, le blâme, l'interdiction d'exercer tout ou partie de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ou de diriger des ventes à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder trois ans, l'interdiction définitive d'exercer l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et l'interdiction définitive de diriger des ventes. Au vu de l'ensemble de ces manquements et de leur réitération, le Conseil a prononcé une interdiction d'exercice particulièrement longue à l'encontre de l'opérateur et une interdiction de trois mois pour les deux commissaires-priseurs nommément visés. La décision fera également l'objet d'une publication dans la Gazette Drouot et dans le Figaro.

Contactés, les représentants d’Europ Auction n’ont pas répondu.

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