Une Pussy Riot entame une grève de la faim pour protester contre les conditions inhumaines dans lesquelles elle est incarcérée

Par Julien Rocha · lejournaldesarts.fr

Le 25 septembre 2013 - 759 mots

MORDOVIE (RUSSIE) [25.09.13] - Nadejda Tolokonnikova, l’une des trois Pussy Riot emprisonnée en 2012 par les autorités russes, condamne dans une lettre ouverte ses conditions de détention et commence une grève de la faim.

Arrêtée en mars 2012 pour avoir fait une « prière punk » virulente à l’égard de Vladimir Poutine dans une cathédrale de Moscou, l’étudiante en philosophie Nadejda Tolokonnikova, mère d’une petite fille de trois ans, a été condamnée le 17 août suivant aux travaux forcés dans un camp de travail féminin (« Camp pénal n° 14 »). Deux mois après le maintien en appel de sa détention par la justice russe, la jeune femme évoque dans une longue lettre ouverte publiée par The Guardian les conditions de travail et de détention inhumaines qu’elle dénonce en entamant une grève de la faim.

« Je ne resterai pas silencieuse, résignée à voir mes codétenues s’effondrer sous la pression de conditions dignes de l’esclavage » écrit-elle, assumant les risques qu’elle encourt en publiant ainsi ses accusations. « Je demande que l’administration du camp respecte les droits de l’homme ; je demande que le camp de Mordovie fonctionne en concordance avec la loi. Je demande à ce que nous soyons traitées comme des êtres vivants, pas comme des esclaves ».

Selon elle, les prisonnières travailleraient bien davantage que le code du travail russe ne l’autorise : « Ma brigade dans l’atelier de couture travaille 16 à 17 heures par jour. De 7h30 le matin à minuit à demi le soir. Au mieux, nous dormons quatre heures par nuit. Nous avons un jour de congé chaque mois et demi ». S’étant plainte de ces horaires éprouvants, l’administration pénitentiaire lui aurait rétorqué : « Le code est une chose, mais ce qui importe est le remplissage de ton quota [chaque détenue ayant à effectuer une quantité précise de production journalière, ndlr]. Si tu ne le fais pas, tu fais des heures supplémentaires ». L’augmentation des quotas de production serait également établie sans préavis du jour au lendemain, en incohérence complète avec le code du travail.

Aucune excuse pour ne pas travailler ou dormir un peu plus ne serait permise, même en cas de maladie. Le problème majeur qui se pose alors est la dénonciation et l’absence de solidarité entre codétenues, motivées par les punitions collectives imposées par l’administration en cas de plainte : « Les plaintes ne sortent pas de prison. La seule chance de voir une incrimination aboutir est de se plaindre à un proche ou à un avocat. L'administration, mesquine et vengeresse, utilisera entre temps tous les mécanismes possibles pour mettre la pression sur la prisonnière, dont la plainte fera empirer les choses au lieu d'aider tout le monde. Ils pratiquent la punition collective : vous vous plaignez qu'il n'y a pas d'eau chaude, ils coupent l'eau complètement. Les prisonnières ont peur de leur propre ombre. Elles sont complètement terrifiées ».

Les mesures punitives seraient variées, allant de la privation au chantage en passant par la malnutrition. Plus grave encore, Tolokonnikova fait également cas de la torture et des sévices corporels : « [En hiver] dans la deuxième brigade composée de personnes handicapées ou âgées, une femme avait fini par avoir de telles gelures aux doigts après une journée de travail dans le lokalka [un passage clôturé entre deux zones du camp dans lequel étaient parfois enfermées les détenues, sans possibilités de revenir au dortoir la nuit tombée, ndlr] qu’ils ont dû l’amputer des doigts et d’un de ses pieds ». Les sévices seraient parfois organisés par les prisonnières elles-mêmes qui essayent de plaire aux geôliers : « Un an avant mon arrivée, une femme tzigane de l’unité trois a été battue à mort […]. L’administration a été capable de le couvrir : la cause officielle de sa mort est un accident vasculaire cérébral. Dans une autre unité, des nouvelles couturières qui n’arrivaient plus à travailler ont été déshabillées et forcées à coudre nues ».

Décidée à vouloir faire pression sur l’administration du camp pour mettre fin à ces pratiques scandaleuses, Nadejda Tolokonnikova assume donc sa déclaration du 26 juillet 2013 : « Je contesterai ma condamnation jusqu’au bout, je porterai l’affaire devant la Cour suprême russe. […] Je ne reconnais pas ma culpabilité et ne la reconnaîtrai pas […] car j’ai des principes et je vais les défendre ». La communauté internationale, parmi laquelle de très nombreux artistes et personnalités publiques, soutiennent la liberté d’expression des Pussy Riot et tente depuis leur arrestation en 2012 de faire pression sur le gouvernement de Vladimir Poutine en vue d’une relaxe.

Légende photo

Nadejda Tolokonnikova - © Photo Denis Bochkarev - 2012 - Licence CC BY-SA 3.0

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