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Un éphémère « musée des selfies » à Los Angeles

Par Sarah Belmont · Le Journal des Arts

Le 11 avril 2018 - 758 mots

LOS ANGELES / ETATS-UNIS

Le 1er avril a ouvert à Glendale, en Californie, un musée temporaire consacré à « l’art » du selfie.

Los Angeles. Le « Musée des selfies » est un musée éphémère – pour ne pas dire une exposition – voué à fermer ses portes le 31 mai, soit deux mois après son inauguration. « Nous tenions à ce terme de “musée”, afin de l’investir d’un nouveau sens. Maudit soit l’élitisme ! Notre approche repose sur l’interactivité », explique Tommy Honton, qui fait visiter les lieux en exclusivité. L’envie couvait depuis longtemps avec son associé Tair Mamedov de monter un projet hors de leur champ d’expertise commun, les escape games [jeux d’évasion grandeur nature, NDLR]. L’idée leur serait venue en pensant à La Joconde, que les touristes ne photographient plus en tant que telle mais en toile de fond, dans un accès de narcissisme.

Financé par le producteur de cinéma Abylay Zhakashov, le projet loge dans un ancien supermarché de Glendale, au nord de la cité des Anges. Pourquoi ici ? « Ce n’est pas parce que j’habite à côté mais parce que la Ville de Glendale se révèle d’une grande bienveillance à l’égard des arts. » C’est au même endroit que le Musée du néon, situé deux blocs plus haut, a élu résidence en 2016, après sa fermeture au cœur de Los Angeles. « Nous aurions pu attendre, pour récolter plus de fonds, poursuit Tommy Honton, mais nous craignions que quelqu’un n’ait la même idée et ne la concrétise avant nous. Nous avons déjà reçu d’autres offres qui nous permettraient d’être basés ailleurs, et de faire voyager nos expositions. »

La visite a pour point de départ une urne numérique où le public est invité à voter pour ou contre la pratique du selfie [autoportrait photographique numérique]. Ses impressions seront de nouveau récoltées en fin de parcours, afin d’évaluer le nombre de personnes ayant changé d’avis au cours de la visite.

Dans un premier renfoncement cohabitent trois sections. Une frise retraçant l’histoire du selfie sous toutes ses formes –« Cela fait six mille ans que l’homme se représente en art » –, une reconstitution de la « chambre de Van Gogh à Arles », hommage aux autoportraits du peintre, ainsi qu’un pseudo-studio photo noir et blanc abritant des appareils photo, de l’appareil à soufflet au reflex et jusqu’à divers modèles de téléphones portables. « La prochaine fois, j’espère recevoir plus de prêts, afin d’étoffer notre volet historique. »

Attractions en tout genre

Au bout du couloir introductif, trois (fausses) sculptures paraissent sur le point de s’écrouler, clin d’œil à l’accrochage accidentellement démoli par une femme en train de prendre un selfie dans l’espace d’exposition de la Factory 14th de Los Angeles, en juillet 2017.

Les pièces du fond ont également été requises. À commencer par la cuisine où sont présentées des œuvres commandées à la plasticienne américaine Colette Miller. Les murs voisins accueilleront des selfies de marathoniens. L’occasion de soulever quelques questions : « Pourquoi se prend-on en photo ? par orgueil ? par vantardise ? pour partager un moment qui nous est cher ? » Enfin, la pièce attenante a tout d’une salle de sport, sauf que les haltères dont elle est équipée sont ultralégères et les miroirs, déformants. Le message est aussi clair que cliché : les apparences sont parfois trompeuses ; seule la beauté intérieure importe. Derrière ce temple de la bien-pensance se cache une salle de bain pourpre, où il ne faut pas compter croiser son reflet. La glace qui surplombe le lavabo réserve, en effet, une surprise.

À mi-parcours, demi-tour toute ! Une Volkswagen habillée de miroirs symbolise le nombre d’accidents de la route causés par l’utilisation du téléphone au volant. Plus loin se dresse un autre trompe-l’œil, le sommet d’un building, dont les proportions changent une fois photographié en contre-plongée. L’avant-dernière section est animée par maints effets spéciaux dont l’auteur, anonyme, ne souhaite pas révéler la nature.

Puis se succèdent deux installations majeures. Un des « Monkey Selfies » de David Slater, série datée de 2011 que Wikimedia Commons a mise en ligne sans consulter l’artiste au préalable. Cette infraction a donné lieu à un procès, remporté par les représentants de la plateforme digitale, au motif que le droit d’auteur ne protège que les humains. Or le cliché en question devait initialement passer pour l’œuvre d’un macaque. S’ensuivent, pour conclure, un « Mur de célébrités », lesquelles sont omniprésentes sur les réseaux sociaux, et une reproduction du Trône de fer de la série télévisée « Game of Thrones », réalisée à partir de perches télescopiques. Alors, pour ou contre les selfies ?

The Museum of Selfies,
jusqu’au 31 Mai, 211 N Brand Boulevard, Glendale, Californie, themuseumofselfies.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°499 du 13 avril 2018, avec le titre suivant : Un éphémère « musée des selfies » à Los angeles

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