Musée

Scénographie

Tournée vers le public

PARIS

Au prix d’un important effort de vulgarisation, le nouveau musée se veut résolument accessible.

Nostalgiques, vous serez déçus. Tout est blanc, numérique, aéré. Il ne reste rien du « fabuleux bric-à-brac, exposant des raretés à tous les étages, respirant la science jusque dans les bibelots qui jonchaient le bureau de Michel Leiris », que décrivent, la larme à l’œil, d’anciens chercheurs. L’équipe menée par Cécile Aufaure, conservatrice et directrice du projet de rénovation, a presque fait table rase. Ceci « en partant du discours et plus des objets », résume Évelyne Heyer, la commissaire générale.

Par un cheminement sur trois niveaux, le long des fenêtres monumentales de l’aile Passy du Palais de Chaillot, le visiteur emprunte « un parcours thématique (et non pas géographique) et très peu chronologique », explique Serge Bahuchet, directeur du département Hommes, natures, sociétés. La Galerie de l’Homme s’articule en trois ensembles : « Qui sommes-nous ? », « D’où venons-nous ? », « Où allons-nous ? ». Partout les phrases sont courtes, les problématiques synthétisées. Dans chaque ensemble, des modules thématiques correspondent à des approches disciplinaires particulières. Ainsi la section « Qui sommes-nous ? » se décompose en cinq réponses : « un être de chair » (approche biologique), « un être de pensée » (ethnologique), « un être de lien » (éthologique), « un être de parole » (ethnolinguistique) et enfin « des êtres pluriels » (génétique). Pour chaque module, de larges vitrines montrent un extrait des collections correspondantes. Parmi les fossiles, photographies et restes, on trouve quelques célébrités attendues comme le crâne de Descartes ou la Vénus de Lespugue.

Dispositif multimédia
Si les vitrines sont élégantes, certaines structures monumentales apparaissent beaucoup moins réussies, comme « l’arbre à bustes », selon son surnom, qui porte la collection de moulages de Cordier et s’intègre mal à la mezzanine, ou cette étrange « langue géante », figuration d’un organe vocal apte à parler tous les langages. À l’inverse, le passage sur l’évolution du genre Homo est bien négocié, les grandes estrades blanches et courbes alternant joliment les informations (nom du groupe, période) et les moulages à taille réelle, depuis l’Homo erectus jusqu’à l’Homo sapiens. Ni trop d’objets, ni trop d’informations.

La nouveauté réside dans le dispositif multimédia destiné au grand public. Aux vidéos répondent des installations plus originales. Ici, un questionnaire pour couple permet de réfléchir sur le genre, sur les parts d’inné et d’acquis dans la différenciation sexuelle. Plus loin, devant les profils d’hominidés, le visiteur peut imiter des postures face à un écran géant qui scanne sa silhouette. La visite a été pensée comme un moment de détente. Quelques gadgets ne résisteront pas au temps, mais force est de constater qu’on a rompu avec l’académisme qui fit rimer longtemps « musée » avec « poussiéreux » dans l’inconscient collectif.

Ponctuant régulièrement le parcours, les bornes « Histoire des sciences » apportent la touche historiographique nécessaire, sans complexifier le discours principal. Seuls les cartels numériques, présents devant chaque vitrine, devraient permettre un approfondissement. Les niveaux de visite sont ainsi nettement délimités : si l’on se contente de lire et d’écouter l’immédiatement accessible, la Galerie de l’Homme se parcourt en une heure. Pour les amateurs, les possibilités sont infinies. Évelyne Heyer conclut : « Il faut en finir avec l’illusion que le public ressortira plus bête s’il manque des choses. Au contraire, si la visite est légère, variée, surprenante, il reviendra et en apprendra davantage grâce aux dispositifs complémentaires. »

Les métamorphoses du Troca

À l’occasion de l’Exposition universelle de 1878, Gabriel Davioud et Jules Bourdais installent sur la colline de Chaillot (du nom du village intégré à Paris en 1860) le palais du Trocadéro. D’un style qualifié de mauresque, d’éclectique ou encore de néobyzantin, il est constitué d’une grande rotonde centrale (le théâtre) flanquée de deux hautes tours, d’où partent deux ailes courbes et symétriques, ancêtres des actuelles. Le palais doit être démantelé à la fin de l’exposition, mais le surcoût de sa construction plaide pour sa sauvegarde, malgré un accueil nettement critique. Mais le bâtiment qui héberge le Musée d’ethnographie (aile Passy) et le Musée des monuments français (aile Paris) vieillit vite et sa destruction est planifiée pour l’Exposition internationale de 1937. Une question de coût, de nouveau, en retarde l’exécution : si le palais central et les tours sont effectivement rasés pour faire place à une grande esplanade (le théâtre de Chaillot devient souterrain), les ailes sont finalement « chemisées » par les architectes Jacques Carlu, Louis-Hippollyte Boileau et Léon Azéma, dans un style néoclassique.
Le projet de 2015 a choisi de garder intact l’extérieur du bâtiment. À l’intérieur, pour honorer Davioud sous Carlu, les architectes découpent délicatement le chemisage pour retrouver la verrière, tout en rendant l’espace plus fonctionnel, avec une mezzanine à l’étage principal redessinée sur toute la longueur de l’aile.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : Tournée vers le public

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