Art moderne

Portrait par Hodler

Par Bertrand Dumas · L'ŒIL

Le 22 mai 2018 - 487 mots

Coup sur coup, le Musée d’Orsay vient de faire l’acquisition de deux portraits de Ferdinand Hodler, dont celui de Werner Miller, à l’âge de sept ans.

1899

Un an avant sa médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris en 1900, Hodler reçoit la commande du portrait de Werner Miller mentionné dans la correspondance que l’artiste entretient avec le père du modèle, le chimiste Oscar Miller (1862-1934), qu’il rencontre en 1898.

Parallélisme

Le Musée d’Orsay, le seul en France à posséder des œuvres d’Hodler, conserve trois tableaux de lui, mais aucun permettant, avant l’achat du Portrait de Werner Miller, d’évoquer cet aspect majeur de son art, entre portrait « réaliste » et composition symboliste. Hodler rompt avec une tendance du portrait moderne où le modèle est saisi dans son environnement quotidien. Ici, Werner est assis en tailleur dans une prairie. Les fleurs blanches qu’il tient dans les mains symbolisent l’innocence de la jeunesse autant que l’harmonie avec la nature. Celle-ci s’incarne dans la parfaite symétrie qui divise en deux parties égales la composition du portrait, illustrant la théorie du parallélisme chez Hodler fondée sur un principe de répétition, à l’image de l’unité universelle que le peintre doit s’attacher à retrouver et à révéler, selon lui.

Werner Miller

Le tableau représente Werner Miller (1892-1959), le deuxième fils d’Oscar Miller, père de quatre enfants. Peintre, il fut l’élève de Cuno Amiet, voisin et ami de la famille. Le maître fit plusieurs fois le portrait de son élève à partir de 1917.

De gré à gré

Resté invendu lors de la vente Christie’s (Zurich) du 17 octobre 2017, le Portrait de Werner Miller fut acquis de gré à gré, en mars 2018, par le musée parisien pour un montant confidentiel, mais qui doit se situer entre 300 000 et 500 000 francs suisses, soit dans la fourchette initiale de son estimation par la maison de ventes. Quelques jours plus tard, le Musée d’Orsay doublait la mise avec l’achat d’un second portrait, celui de l’écrivain suisse Mathias Morhardt (1863-1939), remporté aux enchères chez Beurret & Bailly, à Bâle, pour la somme de 255 000 francs suisses.

Oscar Miller

Oscar Miller, directeur d’une usine de papeterie à Biberist (Suisse, canton de Soleure), fut un soutien décisif pour Hodler en devenant l’un de ses principaux collectionneurs après la découverte de son œuvre à l’Exposition nationale suisse de Genève, en 1896. L’année suivante, il découvre La Nuit, chef-d’œuvre symboliste du maître qui l’éblouit : « Jamais œuvre si vraie et si vivante n’avait éveillé en moi un intérêt aussi pur. » S’ensuit un premier achat en 1897, puis de nombreux autres, qui apportent à Ferdinand Hodler une indépendance financière inédite. Oscar Miller, qui entend défendre la peinture suisse de son temps, collectionne les toiles de Hodler, comme celles de Giacometti ou de Cuno Amiet, au point de réunir un ensemble de trois cents peintures et autant de dessins, aujourd’hui dispersé entre des collections privées et le Kunstmuseum de Soleure.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°713 du 1 juin 2018, avec le titre suivant : Portrait par Hodler

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