Patrimoine

Patrimoine hospitalier en danger

L’Assistance publique a décidé de fermer son musée. Son Association des amis contre-attaque avec un grand projet de « Musée de la médecine »

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 21 septembre 2010 - 938 mots

Dans le cadre d’un plan drastique de restructuration, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a décidé de fermer son musée, en dépit d’une fréquentation en hausse. C’est sans compter sur la détermination de l’Association des amis de l’institution qui contre-attaque avec un projet de grand « musée de la médecine ».

PARIS - Installé depuis son inauguration, en 1934, dans l’hôtel Miramion, hôtel particulier du XVIIe siècle situé dans le 5e arrondissement de Paris, le Musée de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) se consacre à l’histoire hospitalière dans un contexte culturel et social qui se veut le plus large possible. Il est devenu le passage obligé pour toutes les formations liées aux soins infirmiers, aux carrières sanitaires et sociales. Malgré une fréquentation en hausse depuis 2000 et des expositions remarquées, à l’instar de, dernière en date, « L’humanisation de l’hôpital » – la manifestation a attiré plus de 21 000 visiteurs d’octobre 2009 à juin 2010 –, cet établissement qui dépend du ministère de la Santé est aujourd’hui menacé de fermeture.

Éclater les collections
S’il est difficile pour le musée d’échapper à la crise qui secoue l’AP-HP, soumis à un plan de restructuration avec la suppression de 3 500 postes d’ici à 2012, la solution envisagée au printemps dernier par la direction paraît on ne peut plus radicale. Des bruits de couloir autour d’une éventuelle fermeture ont commencé à circuler dès 2009 au moment de la promulgation de la loi Bachelot sur la réforme de l’hôpital (celle-ci prévoit de regrouper une trentaine d’établissements sur Paris en douze groupes hospitaliers). La direction de l’AP-HP a, dans ce cadre, élaboré un plan drastique visant à économiser 100 millions d’euros d’ici à 2012 ; celui-ci envisage d’éclater les collections du musée pour les diffuser auprès de différents petits hôpitaux au travers d’expositions itinérantes. À la fois cohérent et d’une grande richesse, ce fonds compte aujourd’hui près de 10 000 numéros : mobilier, instruments médicaux, objets de soins ou d’enseignement, mais aussi sculptures, dessins, gravures et peintures, parmi lesquelles des œuvres de premier plan comme La Visitation et L’Adoration des bergers de Noël Coypel ou Le Christ aux outrages de Hendrik Ter Brugghen.

Lorsque Benoît Leclerc, le directeur général de l’AP-HP, décide de fermer le musée, arguant qu’il coûte 2 millions d’euros annuels, l’Association des amis du Musée de l’AP-HP (l’Adamap) monte au créneau. Selon Jacques Deschamps, ancien directeur de l’AP-HP et vice-président de l’Adamap, le budget du musée s’élèverait au maximum à 1,2 million d’euros annuels. « Le musée est prêt à faire des efforts budgétaires, précise-t-il. Dans cette période difficile, il faut garder présentes à l’esprit les trois missions de ce musée de société reconnu musée de France : la visibilité des collections par le public, l’enrichissement, l’étude de ces collections et la capacité de faire des expositions temporaires. À l’heure où l’on parle de «démocratie sanitaire», le musée représente un instrument magnifique au service des citoyens pour tous les questionnements autour de l’hôpital. »  Le budget global d’exploitation de l’AP-HP pour 2006 est de 6,5 milliards d’euros ; sur les 100 millions d’euros d’économie que l’AP-HP espère réaliser d’ici à 2010, celles qui seraient faites avec la fermeture du musée apparaissent dérisoires. « La comptabilité de l’AP-HP est totalement vérolée. Depuis les années 1970, il est impossible d’y voir clair », reconnaît un proche du dossier. Claude Evin, le directeur général de l’Agence régionale de santé, a commandé un audit financier qui doit être remis d’ici à la fin de l’année. Pour l’heure, rien n’est encore joué. Alors que le musée est fermé officiellement « pour travaux » depuis le 19 juillet – deux salles de conférences, ou de réception selon les points de vue, sont en cours de construction –, l’Adamap a obtenu à la fin de l’été sa réouverture au public, conformément aux obligations de la loi musée 2002, autorisation accordée pour un jour par semaine.

Ambitieux projet
En interne, la situation est explosive. Les changements apportés par la loi Bachelot sur les procédures de nomination au conseil de surveillance de l’AP-HP ont mis de l’huile sur le feu. Benoît Leclerc est parti à la mi-septembre ; la nomination, en Conseil des ministres, de son successeur est imminente. D’après nos informations, il s’agirait de Mireille Faugère, conseillère du président de la SNCF. Celle-ci devra poursuivre les mesures d’économie.  Le président de l’Adamap, Jean-François Moreau, docteur en médecine, a, de son côté, présenté le 24 août au secrétaire général de l’AP-HP, Dominique Giorgi, un ambitieux projet de modernisation de l’établissement. L’idée serait de le transformer en un grand musée de la médecine installé à l’Hôtel-Dieu, en regroupant éventuellement les petits musées parisiens tels les musées de l’École de médecine de Paris, de l’Institut Pasteur, de Sainte-Anne… Jean-François Moreau cite en exemple le Wellcome Trust à Londres, une des plus riches fondations de charité en médecine, qui, outre le financement qu’elle apporte à la recherche, réalise un travail de vulgarisation scientifique auprès du grand public.

Le président de l’Adamap attend l’aval de son conseil d’administration – celui-ci devait se réunir le 22 octobre – pour présenter à la direction un avant-projet de musée « doté d’un modèle économique viable », souligne-t-il. Et de poursuivre : « Il n’existe pas de grand musée de la médecine en France, pourtant l’éducation de la population participera, à long terme, à la maîtrise des dépenses de santé. Tout reste à inventer en la matière. » Encore faut-il une volonté politique forte de la part du ministère de la Santé, dont les mesures prises dernièrement vont plutôt dans le sens d’une privatisation de l’hôpital que d’une volonté de sauver cette institution phare du service public français.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°331 du 24 septembre 2010, avec le titre suivant : Patrimoine hospitalier en danger

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