Justice

Une tradition d’internes en médecine fait condamner les Hôpitaux de Paris

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 30 mars 2015 - 404 mots

PARIS [30.03.15] - Depuis 1984, la tradition de l’Hôtel-Dieu veut que deux fois l’an la statue du baron Dupuytren soit déguisée ou grimée par les internes. L’ayant droit de Max Barneaud, auteur de la sculpture, vient d’obtenir gain de cause pour violation du droit moral.

Après la vive polémique sur la fresque de la salle de garde de l’hôpital de Clermont-Ferrand en début d’année, dont la disparition suscite d’intéressantes réflexions juridiques, voici une nouvelle tradition des internes en médecine mise à l’index. L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP) vient d’être condamnée le 13 mars 2015 par le TGI de Paris pour ne pas avoir pris les « mesures nécessaires pour éviter qu’il soit porté atteinte à l’œuvre de Max Barneaud » et doit verser à ce titre 6000 euros en réparation de l’atteinte portée au droit moral de l’artiste et 3000 euros au titre des frais de procédure.

Dépositaire de l’œuvre représentant le chirurgien Guillaume Dupuytren (1777-1835), la ville de Paris en étant propriétaire, l’APHP « savait qu'en vertu d'une tradition, des dégradations étaient apportées à l'œuvre par les internes » et aurait ainsi dû « prendre, en sa qualité de dépositaire, les mesures nécessaires pour protéger l'œuvre et éviter qu'on lui porte atteinte ». Et, selon le tribunal, les mesures prises s’étaient avérées insuffisantes, contraignant l’héritier de l’artiste, après avoir écrit à plusieurs reprises tant à l’APHP qu’à l’association des internes, « le plaisir des dieux », à saisir la justice en 2013.

Des campagnes d’information avaient pourtant été menées auprès des internes, la statue remise à chaque fois en état, l’APHP allant jusqu’à bâcher la statue et proposer son déplacement. Et, fait assez rare, l’association avait diffusé une note rappelant que les internes s’exposaient à des sanctions pénales pour dégradation ou détérioration du bien d’autrui « outre que les ayants droit de l’artiste seraient en droit d’engager toute action aux fins de faire respecter leur droit moral ».

Or, selon le tribunal, l’atteinte au droit moral est caractérisée, dès lors que l'œuvre est « régulièrement modifiée, même si cette modification n'est pas irréversible ». Cette décision rappelle un précédent jugement du TGI de Paris qui avait retenu, le 7 mai 2014, l’atteinte bien qu’éphémère au droit moral de Jean Cardot, sa statue représentant Winston Churchill ayant été rhabillée sans autorisation pour la promotion d’une marque sportive. Quelle que soit la nature de l’intention qui peut présider chez certains plaisantins, nul ne peut impunément revêtir une œuvre d’atours que son auteur n’a pas souhaités.

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Vue de la cour de l'Hôtel-Dieu à Paris avec la statue du baron Dupuytren de Max Barneaud © Photo Mbzt - 2014 - Licence CC BY-SA 3.0

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