La Fondation Fukutake a inauguré en mai sur l’île japonaise un nouveau musée d’art signé Tadao Ando et centré sur les scènes asiatiques du XXIe siècle.

Naoshima, Kagawa (Japon). Pour le Naoshima New Museum of Art, inauguré le 31 mai dernier, la Fondation Fukutake a repris les éléments-clés de ses autres espaces, tout en y ajoutant des aspects inédits. Elle a de nouveau fait appel à son architecte de prédilection, Tadao Ando, qui signe ainsi sa dixième réalisation sur l’île. On y retrouve son goût pour le béton et les volumes géométriques, dans une facture minimaliste et anguleuse mais intégrée harmonieusement à l’environnement. Autre point commun : l’attention particulière portée à l’expérience du visiteur, conçue comme un art de vivre, avec un restaurant doté d’une terrasse panoramique où est présentée une série de peintures spécialement réalisées pour le lieu par l’artiste indien N. S. Harsha, sur le thème du mariage.
Le nouvel établissement souhaite également renforcer ses liens avec la population locale, à l’instar de l’Ando Museum, entièrement consacré au « starchitecte » et aménagé depuis 2013 dans une maison traditionnelle au cœur du même village de Honmura. Cette alliance réussie, fondée sur la « coexistence de la nature, de l’art et de l’architecture », selon les termes de la fondation, est au cœur de « l’effet Naoshima », consacré par l’inauguration du Benesse House Museum en 1992. Intégrant à la fois un musée et un hôtel haut de gamme, cette institution a donné corps à la vision pionnière du mécène et entrepreneur Soichiro Fukutake. Illustrant la capacité des musées à régénérer un écosystème postindustriel en déclin, cette ouverture précéda de cinq ans celle du Guggenheim de Bilbao, et fut donc antérieure à ce que l’on a nommé « l’effet Bilbao » dans une perspective similaire.

Même si le musée réaffirme la dimension spirituelle et contemplative qui caractérise les autres musées d’art de l’île, ce dernier-né insuffle un vent de nouveauté, comme le suggère l’adjectif « new », qui ouvre la voie à un renouvellement continu.
Ryoji Kasahara, directeur général de la Fondation Fukutake, confirme cette volonté d’adopter une approche plus contemporaine, centrée sur les scènes asiatiques du XXIe siècle, alors que les autres musées réservent une part importante de leurs espaces à l’art occidental, à l’instar du Chichu Art Museum consacré à Claude Monet, Walter De Maria et James Turrell.
Sa programmation s’ouvre avec l’exposition « From the Origin to the Future » (« des origines au futur »), conçue en parallèle à la Triennale de Setouchi. La commissaire et directrice du musée, Akiko Miki, a réuni les œuvres d’une douzaine d’artistes d’Asie de l’Est, du Sud et du Sud-Est, pour la plupart des commandes. On y décèle un esprit critique affirmé, avec des créations parfois subversives. La sculpture monumentale de Makoto Aida, issue de sa série « Monument for Nothing », est à cet égard emblématique. Reprenant la forme du torii, portail traditionnel japonais séparant symboliquement l’espace sacré du monde profane, ce symbole national est recréé par l’artiste dans son rouge vermillon le plus courant. Il semble toutefois s’affaisser, telle une pièce de plastique fondant à la chaleur, et se couvre de vignettes illustrant les principaux événements, heureux ou tragiques, qui ont marqué l’histoire du Japon depuis les années 1990. Cette intrusion du contemporain dans l’ancien conserve toute son ambiguïté, oscillant entre ex-voto auspicieux et symptômes de maladies fongiques.
L’exposition propose également une contextualisation historique éclairant le présent. Elle présente notamment une grande fresque de Takashi Murakami, qui réinterprète le chef-d’œuvre du XVIIe siècle attribué à Iwasa Matabei (1578-1650) : Scènes de Kyoto et de ses environs (Rakuchu-Rakugai-zu). La médiation multimédia du musée présente Murakami comme héritier des peintres japonais « excentriques », dans le sillage des travaux de l’historien de l’art Nobuo Tsuji. Ce dernier a contribué à la réévaluation des peintres de la période Edo grâce à son ouvrage de référence, Lineage of Eccentrics, paru en 1970 (non traduit en français), où il s’intéresse aux artistes développant un imaginaire foisonnant et peuplé d’images étranges, de Matabei à Utagawa Kuniyoshi (1798-1861).
La nouveauté réside enfin dans la visibilité offerte aux artistes d’Asie du Sud-Est. Parmi eux, l’Indonésien Heri Dono présente une imposante fresque mettant en scène des figures politiques de l’histoire moderne dans un univers surréaliste. La Thaïlandaise Pannaphan Yodmanee conjugue, quant à elle, passé et présent à travers une installation murale composée de scènes peintes selon le style et les techniques traditionnelles siamoises sur des ruines industrielles en béton armé. Cette perspective panasiatique contribue indéniablement à enrichir l’écosystème insulaire de Naoshima, tout en donnant une impulsion revitalisante à la scène japonaise. L’exposition devrait se poursuivre jusqu’en février 2026.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Naoshima ouvre un musée tourné vers l’Asie contemporaine
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°661 du 19 septembre 2025, avec le titre suivant : Naoshima ouvre un musée tourné vers l’Asie contemporaine









