Huit châteaux cathares sont renommés afin de rétablir une vérité historique pour donner du poids à leur candidature Unesco. Non sans susciter la contestation quant à cette nouvelle dénomination.

Aude, Ariège. Châteaux du pays cathare, citadelles du vertige…, les appellations sont multiples pour désigner les impressionnantes forteresses perchées sur les éperons rocheux du territoire occitan, entre l’Aude et l’Ariège. Or il ne s’agit pas de constructions cathares, mais de châteaux fortifiés a posteriori par le pouvoir royal au XIIIe siècle et au début du XIVe siècle. Alors que huit d’entre eux sont en lice pour être inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2026, décision a été prise de replacer ces sites dans leur vérité historique en les renommant « forteresses royales du Languedoc ». Un choix approuvé par les uns, décrié par les autres qui y voient une forme d’abandon identitaire.
« Il a été très compliqué de trouver un nom, cela s’est fait après une très longue réflexion. Nous ne pouvions plus parler de “châteaux cathares” puisque l’histoire cathare est immatérielle, elle n’a pas laissé de traces si ce n’est dans les textes. Or l’Unesco veut un objet clair, défini, identifiable », explique l’archéologue David Maso, chargé de mission architecture et archéologie au sein de l’Association Mission Patrimoine mondial (AMPM), qui porte la candidature depuis 2019. Lorsque le dossier est déposé en janvier de cette année auprès du Centre du patrimoine mondial, la dénomination « cathare » est donc officiellement abandonnée au profit de « système de forteresses de la sénéchaussée de Carcassonne ». Sous ce terme sont ainsi regroupés le château et les remparts de Carcassonne – dont la cité médiévale est déjà inscrite au Patrimoine mondial depuis 1997 – ainsi que sept autres forteresses de montagne : Montségur, Quéribus, Aguilar, Termes, Lastours, Puilaurens, Peyrepertuse. Soit les plus remarquables, les mieux préservées parmi une vingtaine de châteaux défensifs rebâtis par les rois de France autour de la cité, afin d’asseoir leur autorité et protéger le territoire face au royaume rival d’Aragon. Pour retenir plus facilement le nom de cet ensemble, toute la communication privilégie désormais le terme plus évocateur de « forteresses royales du Languedoc ».

C’est précisément dans ce choix sémantique que le bât blesse. « Le Conseil départemental pratique ce que l’on doit définir comme du “révisionnisme” en oubliant les souffrances, la civilisation avancée de l’aire occitane étouffée par la barbarie du roi », s’indigne Jean-Pierre Laval, militant occitan et président de l’association Païs Nostre. Si la nouvelle appellation touche la fierté identitaire, c’est bien parce que ces forteresses restent malgré tout liées à l’histoire cathare, celle d’une dissidence religieuse violemment réprimée par l’Église. En 1209, le pape Innocent III déclenche la croisade contre les Albigeois (nom donné aux Cathares occitans). Et si ce sombre épisode précède assurément la construction des châteaux royaux, ces derniers ont été bâtis sur les vestiges d’anciennes bourgades fortifiées qui auraient abrité des Cathares persécutés. « Mais ce qu’on voit, ce sont des murs bâtis par les maîtres d’œuvre royaux. Les chercheurs l’ont démontré depuis des années, même si leurs paroles ont été noyées par l’enthousiasme qu’a suscité le “catharisme”. Donc peut-être que le terme de “cathare” attire les gens, peut-être qu’on tue la poule aux œufs d’or, mais c’était tout de même une malhonnêteté intellectuelle », estime David Maso.

Une explication difficile à accepter pour ceux qui entendent parler de « Pays cathare » depuis des décennies, le terme étant utilisé à foison dans le programme de développement local que porte le Département de l’Aude depuis la fin des années 1980 : sites du pays cathare, produits agroalimentaires du Pays cathare… Si l’appellation reste inchangée côté marque, la destination touristique « Aude, Pays cathare » se transforme en « l’Aude, l’âme Sud », toujours dans l’optique de donner plus de poids à la candidature Unesco. « Autour de cette candidature, il y a tout un programme de développement territorial qui est déjà en œuvre depuis des années, souligne David Maso. Il faut redonner un coup de jeune à cette destination, lui donner un second souffle. » À la clé, des retombées économiques attendues dans le secteur viticole, touristique…, et ce pour des petites communes allant de 45 à 700 habitants, où la fréquentation des sites varie entre 5 000 et 50 000-60 000 visiteurs par an, selon leur renommée. « Depuis les années 1990, il y a moins d’intérêt pour ces sites, qui commencent à perdre un peu en visibilité », regrette David Maso. Visant l’inscription, la Région et les deux Départements prévoient un budget de plus de 20 millions d’euros pour valoriser l’ensemble de ces sites, à la fois dispersés et difficiles d’accès. « L’un des gros volets du dossier, c’est la conservation des monuments. Les châteaux sont sur des rochers, exposés à la foudre, au vent. Il faut les entretenir, ce qui coûte très cher et demande une politique publique coordonnée », résume David Maso.
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Les nouvelles « forteresses royales du Languedoc »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : Les nouvelles « forteresses royales du Languedoc »







