Profession - Spécial Covid-19

Les guides-conférenciers craignent une année blanche

Par Sindbad Hammache · lejournaldesarts.fr

Le 6 avril 2020 - 716 mots

FRANCE

Musées fermés, saison touristique en berne, aides quasi inexistantes, les guides-conférenciers alertent sur leur situation.

Guide-conférencière commentant le portrait de Baldassare Castiglione par Raphaël, alors exposé temporairement au Louvre-Lens. © Photo Jean-Pol Grandmont
Guide-conférencière commentant le Portrait de Baldassare Castiglione par Raphaël, alors exposé temporairement au Louvre-Lens.

Habituellement, les mois de printemps signent la haute saison des guides-conférenciers. Mais plus qu’une saison gâchée, c’est bien une année blanche qui se profile pour ces professionnels du tourisme et de la culture. Indépendants ou en contrats courts, les guides ne sont pas éligibles aux mesures de chômage partiels, ni au fonds d’aide créé par le ministère de la Culture. La profession s’apprête à vivre six à sept mois sans revenus ; pour certains, l’activité est même suspendue depuis deux mois.

Guides-conférenciers et guides touristiques forment les deux branches d’une profession réunie sous un même nom en 2012. Les premiers connaissent une saison basse durant les trois mois d’été, leur activité étant concentré sur un public associatif ou de seniors actifs durant l’année. La fermeture administrative des musées, puis le confinement les privent de précieuses semaines d’activités… « On gagne déjà assez mal notre vie, explique Hélène Norlöff, présidente du Syndicat national des guides conférenciers, et on la gagne sur neuf mois ! ».

Si le déconfinement intervient en mai-juin, les mois calmes d’été seront tout proches, une période d’inactivité débouchant sur une autre. Hélène Norlöff redoute également que le retour à la normale ne soit pas immédiat : « On nous promet un confinement jusqu’au 4 mai, mais même si les musées ouvrent le lendemain, ils n’accepteront sûrement pas les groupes tout de suite », spécule-t-elle. Armelle Villepelet, secrétaire générale de la Fédération Nationale des Guides Interprètes et Conférenciers, fait le même pronostic : « Nos publics, en particulier les seniors qui constituent une part importante de notre clientèle, ne seront pas au rendez-vous ».

Pour les guides touristiques, le pic d’activité s’étale de la fin du printemps au début de l’automne. Si les mesures de confinement devaient être levés d’ici là, c’est l’absence de touristes qui devraient ralentir considérablement leur activité. « Nous aurons peut-être des visiteurs venus de France ou de pays limitrophes, espère Armelle Villepelet, mais il est fort probable que la saison sera mauvaise ». La France sera notamment privée de la manne des touristes chinois, « jusqu’à début octobre pour un scénario optimiste » détaille Sylvie Kou, présidente de l’association des guides interprètes en langues chinoises.

L’activité s’est arrêté brutalement le 27 janvier pour cette dernière -date à laquelle le gouvernement chinois a suspendu tous les voyages touristiques, en Chine comme à l’étranger- et ce après un début d’année chaotique : grèves, crainte du virus avec les groupes venus du Hubei, et agressions racistes de certains guides interprètes en langue chinoise portant un masque. Le nouvel an chinois, fin janvier cette année, et les vacances de début octobre sont les deux pics d’activités pour ces professionnels : deux rendez-vous manqués en 2020.

Pour la plupart auto-entrepreneur ou en profession libérale, les guides très impactés par la crise du Covid-19 peinent à trouver une oreille attentive à leur problème. « J’ai pris rendez-vous à l’URSAAF début mars, on m’a répondu que pour les guides il n’y a rien de prévu » déplore Sylvie Kou. Via l’Union National des Professions Libérales, les guides professionnels ont néanmoins réussi à se faire une place sur la liste des secteurs concernés par le fonds de solidarité, accordé aux entreprises subissant une baisse de 50 % sur leur chiffre d’affaire, par rapport à 2019.

Entre les tutelles des ministères de la Culture et de l’Économie, les guides-conférenciers « comptent plus sur Bercy que sur la rue de Valois », comme le résume Hélène Norlöff. « Nous sommes les oubliés du ministère de la Culture, abonde Armelle Villepelet, pourtant nos cartes professionnelles portent son logo, et la réglementation nous concernant est également signée par le ministre en charge de la Culture ». Les mesures de soutiens annoncées par le cabinet de Franck Riester ne font pour l’instant aucune mention des guides-conférenciers.

Lorsqu’ils ne sont pas indépendants, les guides sont embauchés en contrat de vacation : des contrats courts et précaires qui n’ouvrent aucun droit au chômage partiel. Privés de toutes les mesures de solidarité, les vacataires sont les « grands perdants » de la crise selon Hélène Norlöff. Seule bouée de secours, certains employeurs maintiennent les salaires de leurs vacataires malgré l’inactivité, comme au Louvre-Lens ou à la Piscine de Roubaix.
 

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