Profession - Spécial Covid-19

Virus : les guides-conférenciers veulent être reconnus et aidés

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 27 août 2020 - 671 mots

PARIS

« On passe entre les trous de la raquette » : les guides-conférenciers en contrats courts, qui n'ont plus aucun revenu depuis le début de la crise sanitaire, se sentent oubliés des dispositifs de sauvetage de la culture et victimes de « la concurrence déloyale » des « free tours ».

Guide-conférencière commentant le portrait de Baldassare Castiglione par Raphaël, alors exposé temporairement au Louvre-Lens. © Photo Jean-Pol Grandmont
Guide-conférencière commentant le Portrait de Baldassare Castiglione par Raphaël, alors exposé temporairement au Louvre-Lens.

Mercredi sur la place de la Concorde, alors que le Premier ministre Jean Castex venait d'annoncer 2 milliards d'euros pour la culture dans le prochain plan de relance, une quarantaine d'entre eux organisaient un flash mob, bonnet phrygien sur la tête, pour se rappeler à son bon souvenir, faisant une photo de groupe sur fond de Palais Bourbon. Une « déclaration des droits » en cinq articles a été lue et cinq slogans martelés: « Egaux en droits »; « Solidarité nationale »; « Année blanche »; « Non à la concurrence déloyale »; « Protection et reconnaissance ».

Pour une grande partie de cette profession de quelque 10 000 érudits, spécialisés dans la transmission de la culture aux touristes et aux jeunes générations, l'interruption du flux des touristes étrangers est survenue au plus mauvais moment, quand démarrait leur saison, signant la fin de de toute activité, et parfois de tout revenu ou indemnité. Ils plaident pour que les guides-conférenciers salariés aient droit comme les intermittents à une année blanche « leur permettant de maintenir leurs droits aux indemnités de perte d'emploi ». La rancœur est forte contre un gouvernement accusé de « favoriser les auto-entrepreneurs au détriment des salariés ». Et contre la « concurrence déloyale » des « free tours », grosses plateformes proposant des visites dans les villes du monde entier.

Pas de contrats, droits épuisés

En juin, le gouvernement avait sauvé de la noyade la moitié environ de la profession, les guides auto-entrepreneurs de plus en plus nombreux, leur faisant bénéficier des mesures d'accompagnement (Fonds de solidarité, etc) prévues pour d'autres secteurs de la culture affectés par la pandémie. Mais il admettait en même temps que « les guides-conférenciers salariés, employés sous forme de contrats courts, n'étaient pas éligibles à ces dispositifs » et annonçait « entamer une réflexion ».

« Notre ressenti, c'est que ce gouvernement ne veut pas des gens salariés. Les agences de tourisme ne veulent pas nous déclarer. On passe entre les trous de la raquette. Pas de touristes. Ça fait cinq mois qu'on n'a pas de contrats, pas de travail, qu'on a épuisé nos droits pour l'emploi », réagit à l'AFP la guide-conférencière Yolanda Arrondo. Face à la « concurrence déloyale » des « free tours », « on ne se sent pas reconnu, valorisé », déplore-t-elle. Alors que la profession des guides-conférenciers est très réglementée et qu'ils ont dû signer une charte sanitaire pour pouvoir travailler, les « free tours », déplore-t-elle, « n'ont aucune charte, aucun contrôle. Ils devraient avoir maximum 9 personnes pour leurs visites et ils ont jusqu'à 26 personnes. Parfois ils ne portent même pas les masques et guident dans des endroits où ils n'ont pas le droit de guider ».

Ces « free tours » dans Paris sont souvent organisés gratuitement, animés par des étudiants, parfois étrangers, « qui généralement ne sont rémunérés qu'au pourboire », explique une autre guide, Dominique Vincent. Ceux-ci doivent ensuite envoyer 2,5 euros par client sur des comptes basés à l'étranger, une photo envoyée par internet aux sociétés commanditaires attestant du nombre de participants. « Nous ne voulons pas que notre métier soit rétribué au pourboire, nous nous battons contre les offices de tourisme qui mettent à disposition la publicité de ces sociétés », souligne-t-elle. « Sur Paris, beaucoup de guides sont salariés en CDD répétitifs, dits CDD d'usage. Ils ont plusieurs employeurs. Il n'y a plus d'agences de voyage qui embauchent des guides en CDI ordinaire. Et la clientèle internationale n'est pas revenue », poursuit-elle.

Mais c'est un métier qu'on ne lâche pas facilement : Marie- Edith de la Fournière, à la retraite depuis deux ans, et qui accompagnait des voyages culturels à l'étranger, était tellement attachée à ce métier, sa « raison de vivre », qu'elle a voulu compléter sa petite retraite en continuant à travailler. Mais « depuis mars, plus aucun voyage, plus aucun revenu ». Et « une seule journée de travail confirmée en septembre ».

Par Jean-Louis De La Vaissière

Cet article a été publié par l'AFP le 27 août 2020.

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