Le nouveau parcours adopte une approche esthétique des instruments combinée à une perspective post-coloniale sur les collections d’Afrique et d’Asie.

Paris. En dehors de quelques passionnés, peu de visiteurs ont la patience de regarder des vitrines d’instruments de musique, quand bien même ceux-ci seraient des Stradivarius. Ce constat a guidé le réaménagement du parcours du Musée de la musique de Paris, selon sa directrice Marie-Pauline Martin. Elle ajoute que le nouveau parcours conserve plusieurs sections préexistantes, qui ont simplement été remaniées : les vitrines d’instruments sont ainsi encore présentes, mais les cartels ont été modifiés pour plus de détails sur le contexte (et parfois sur la provenance). La section consacrée aux premières musiques électroniques affiche d’ailleurs une scénographie datée comme le concède la directrice. Le parcours met en valeur les qualités esthétiques des instruments, dans l’esprit du parcours originel du musée, comme le précise Alexandre Girard-Muscagorry, conservateur du patrimoine et chargé de coordination scientifique au musée.
Courbes des violons et guitares, géométrie des claviers du XVIIe et XVIIIe siècles, rondeurs des tambours s’exposent dans des vitrines qui permettent d’en voir le verso et la facture. Marie-Pauline Martin insiste sur la nécessité de montrer « le travail des facteurs d’instruments » avec des moules, des outils d’ébénisterie, des photographies d’archives, et des vitrines consacrées aux matériaux (bois, ivoire, nacre, métaux). Des tables tactiles permettent aux malvoyants de découvrir la forme d’un violon ou de tester la sonorité des xylophones d’Afrique de l’Ouest. Les pièces maîtresses du parcours restent les clavecins à décors peints du XVIIe siècle, de qualité exceptionnelle : l’un d’entre eux est d’ailleurs classé « Trésor national » et attire des musiciens du monde entier désireux de le jouer, selon la directrice. En dialogue avec ces clavecins, des toiles de nature morte prêtées par les grands musées français révèlent les liens entre musique et beaux-arts, « car il est important de montrer le contexte esthétique et d’inscrire les instruments dans un moment historique précis », selon Alexandre Girard-Muscagorry. Un soin particulier apporté à l’éclairage met en valeur les couleurs et les motifs des clavecins, devenus sculptures.
Chaque section intègre autant que possible des instruments ou des objets non européens, afin de montrer les influences réciproques dès le XVIIe siècle : turqueries, chinoiseries et peintures orientalistes illustrent ainsi les échanges culturels liés à la colonisation. Ces « vitrines carrefours » sont nouvelles et accentuent l’ouverture vers les cultures non européennes. Des œuvres contemporaines judicieusement choisies complètent cette démarche d’ouverture (Roméo Mivekannin, Sammy Baloji). La directrice du musée souligne que les textes de salle et les cartels ont été réécrits dans le même esprit, celui des « archipels culturels » théorisés par Édouard Glissant et les penseurs du mouvement postcolonial. L’esclavage transatlantique, les Expositions universelles et l’orientalisme sont traités par touches au fil du parcours, d’abord chronologique pour devenir thématique dans son dernier tiers.
Les dernières salles traitant des musiques extra-européennes ont ainsi été entièrement repensées, et leur intitulé modifié : « Nous sommes passés de musiques du monde à des musiques et des mondes, toujours dans l’esprit de Glissant c’est-à-dire sans hiérarchiser », explique Marie-Pauline Martin. Tambours, banjos, pochettes de disques de blues et lamellophones africains (sanza) donnent un aspect global et mondialisé à ce parcours. Un magnifique gamelan (ensemble instrumental indonésien) datant de l’Exposition universelle de 1889 constitue le point d’orgue de cette section qui se clôt par une installation de tambourins décorés de calligraphies (Nja Mahdaoui). Pour un musée de la musique, on note que peu d’œuvres sonores émaillent le parcours, car celui-ci se visite avec l’audioguide qui fournit « près de cinq heures de contenu », selon la directrice, qui ajoute que des musiciens se produisent tous les jours dans le musée : les instruments du monde entier s’animent donc régulièrement au milieu des vitrines.
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Le Musée de la musique s’ouvre aux cultures extra-européennes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°658 du 20 juin 2025, avec le titre suivant : Le Musée de la musique s’ouvre aux cultures extra-européennes









