Réouverture

Le musée de Cherbourg met ses donateurs à l’honneur

Le Journal des Arts

Le 29 mars 2016 - 742 mots

Après quatre ans de travaux, le Musée Thomas Henry rouvre, faisant la part belle à l’histoire de ses collections, nourries par les dons et legs de Cherbourgeois.

CHERBOURG - Fra Angelico, Poussin, Vouet, Champaigne, Jordaens, Millet, Chardin, David… Le Musée Thomas Henry, à Cherbourg, compte dans ses collections quelques chefs-d’œuvre de la peinture européenne et doit à une poignée de donateurs la richesse de son fonds. C’est sur ce constat de départ que la conservatrice du musée a bâti la nouvelle scénographie des lieux, fermés pour travaux durant quatre ans et ouverts de nouveau depuis le 19 mars. « Il fallait rendre honneur aux donateurs du musée, en premier lieu Thomas Henry et redonner à sa donation initiale sa cohérence », souligne Louise Le Gall, nommée à la tête des musées de Cherbourg en 2010.

À l’issue d’un long chantier de rénovation du centre culturel de la ville, qui compte dans ses murs une bibliothèque, une artothèque et le Musée Thomas Henry, la lourde carcasse du « Quasar » (nouvel ensemble culturel de Cherbourg, ndlr) héritée des années 1970 a été modernisée au prix de six ans de travaux et un total de 15,7 millions d’euros hors taxes. Le Quasar, qui représente un coût significatif pour la ville de Cherbourg, est censé devenir « le fer de lance de notre projet culturel », selon Catherine Gentile, adjointe à la Culture de la ville. Pour le Musée Thomas Henry, 3,69 millions d’euros hors taxes ont été consacrés à la remise aux normes de sécurité et à la redistribution des salles sur deux niveaux, de juin 2012 à mars 2016. Un cabinet d’estampes et un atelier pédagogique pour les enfants ont été créés sur les 1 500 m2 de surface d’exposition.

Accrochage didactique
Pour comprendre la nouvelle disposition des 400 œuvres exposées sur des sections aux couleurs bien identifiées, il faut se pencher sur l’histoire du musée. Les premières salles consacrées à la donation Thomas Henry ouvrent le parcours : la presque totalité des 164 œuvres offertes à la Ville entre 1831 et 1835 y sont exposées. Thomas Henry, commissaire-expert du Musée Royal (Louvre) de 1816 à sa mort en 1836, décide de léguer à sa ville natale la plus belle partie de sa collection, dans une perspective pédagogique et éducative. Il « a su éviter les flagrantes copies et s’est fort peu trompé… Ses attributions sont même remarquablement stables », estime Jacques Foucart dans le catalogue du musée. Son œil affûté lui permet d’offrir au musée un Fra Angelico, La conversion de saint Augustin, daté de 1425, fragment d’une prédelle démembrée, un des joyaux des collections et une très belle Mise au tombeau de Filippino Lippi (vers 1480) qui interroge sur le choix moderne d’Henry : à son époque, le goût n’est pas favorable aux primitifs italiens. Cet étonnement se confirme avec les toiles espagnoles, dont deux toiles attribuées à Herrera jusqu’en 2015, et qu’une restauration a rendu à l’anonymat.

Classées par écoles, les toiles de la donation Henry dressent un panorama exigeant de la peinture européenne jusqu’au XIXe siècle. Mais en collectionnant ses contemporains, Henry se fait moins percutant, privilégiant les suiveurs d’Ingres et les scènes « mineures » en petit format. La couleur des cimaises identifiant la donation est un gris clair : « la préconisation d’Henry, jamais prise en compte », souligne Louise Le Gall. Une « nuance qui, ne disant rien aux yeux, ne les (le public) distrait point de l’attention qu’ils portent à autre chose », écrivait Thomas Henry dans une de ses lettres. Les autres sections reviennent sur les marines déposées par l’État au XIXe siècle (murs bleus), les dons du sculpteur historiciste Armand Le Véel (murs parme) et les collections XIXe du musée, un peu hétéroclites, mais magnifiées par un rouge Pompéi éclatant.

Importante collection d’œuvres de Millet
L’autre grand tournant des collections du musée est indiqué par des murs verts : en 1914, une trentaine d’œuvres de jeunesse de Jean-François Millet est léguée au musée par le docteur Ono, neveu de la première épouse du peintre. Après Orsay, le musée cherbourgeois détient la deuxième collection d’œuvres du peintre. Pauline Ono en déshabillé (1843) est une ode à la jeune épouse du peintre des Glaneuses, alors atteinte de tuberculose. Elle mourra l’année suivante. À Cherbourg, le jeune Millet regarde et copie les œuvres de la donation Henry, qui arrivent à peine en 1833. Ses copies sont présentées à Cherbourg. La boucle est bouclée avec une remarquable cohérence.

Musée Thomas Henry, Le Quasar, Esplanade de la Laïcité, 50108 Cherbourg-en-Cotentin, tel. 02 33 23 39 30, www.quasar-cherbourg.fr., mardi-vendredi 10h-12h30 et 14h-18h, samedi et dimanche 13h-18h. Entrée 5 €.

Légende photo
Le Quasar, nouveau bâtiment où se trouve le musée Thomas-Henry, Cherbourg. © Photo : J. Menault/Ville de Cherbourg-en-Cotentin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Le musée de Cherbourg met ses donateurs à l’honneur

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