Mémorial

Mémorial ACTe

Laurella Rinçon : « Le MACTe a un message à porter sur le musée au XXIe siècle »

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 2 mars 2021 - 666 mots

Conservatrice du patrimoine, spécialiste des collections africaines et des cultures créoles, Laurella Rinçon est la directrice générale du MACTe depuis 2019.

Laurella Rinçon. © Lou Denim
Laurella Rinçon.
© Lou Denim
Comment le Mémorial Acte (MACTe) a-t-il évolué depuis son inauguration en 2015 ?

Cette institution est le résultat d’une quête mémorielle, ce qui explique qu’elle a fonctionné en mode projet durant ses premières années. En 2019, elle a connu une importante évolution statutaire en devenant un établissement public de coopération culturelle : le MACTe. Cette évolution était cruciale pour que l’établissement devienne pleinement un musée, que ses collections soient mieux identifiées et protégées. L’équipe qui avait porté le projet initialement avait fait le choix de travailler en dehors du cadre du ministère de la Culture, car elle ne voulait pas que le Mémorial Acte soit un musée au sens académique du terme, c’est-à-dire un lieu figé, poussiéreux. Or, je pense, au contraire, que ce lieu a un message à porter sur ce que peut être un musée au XXIe siècle. Il peut proposer une muséographie adaptée à un environnement où l’immatériel, l’oralité et les enjeux mémoriels sont particulièrement prégnants.

Quel est le public du MACTe ?

La première étude des publics a vérifié l’intuition que nous avions : 90 % du public est touristique. Alors que dans un lieu traitant de sujets mémoriels on pourrait imaginer toucher plus largement le public des résidents. Le public local venait en revanche essentiellement pour le spectacle vivant. Afin de lui donner envie de découvrir les collections, nous avons donc instauré une nocturne durant laquelle les artistes se produisent dans le parcours permanent. Il y a un vrai enjeu sur l’exposition permanente. Elle est très décriée par le public local parce qu’elle a été conçue très rapidement sans que le public n’y soit associé. Il n’y a pas de muséologie participative et les gens ne se reconnaissent pas dans l’institution ; il y a une vraie difficulté d’appropriation. C’est pourquoi une de nos priorités est la refonte du parcours. L’idée est de développer des protocoles plus participatifs, mais aussi d’associer des artistes, des auteurs et des philosophes. Nous souhaitons également que le créole prenne une place plus grande dans l’institution. Nous avons déjà instauré des cours de civilisation et de culture créoles qui rencontrent un grand succès auprès des créolophones qui viennent s’y ressourcer. Renforcer cette dimension ramène clairement un public qui ne venait pas au MACTe. Pour le public touristique, nous n’avons pas beaucoup d’efforts à faire. Il va venir de lui-même, ne serait-ce que pour l’architecture du bâtiment. Comme il n’y a rien de comparable sur l’île, c’est devenu un passage obligé. Notre enjeu est vraiment d’attirer les résidents et le jeune public. Nous sommes d’ailleurs en train de réfléchir à la création d’un musée pour les enfants.

Quels sont les axes de laprogrammationd’expositions ?

Nous avons construit un programme pour les cinq prochaines années, axé notamment sur les migrations qui ont construit les sociétés caribéennes. Cette année, nous nous inscrivons aussi dans la dynamique d’Africa 2020 et nous serons même le quartier général de cette manifestation entre mai et juin, à l’occasion du Mois des mémoires. Nous allons aussi continuer à organiser des résidences d’artistes et à soutenir la création. En mai, nous accueillerons notamment une troupe de théâtre qui proposera une création en écho aux vingt ans de la loi Taubira.

MACTe

Musée caribéen international dédié à l’histoire, la mémoire et les patrimoines des traites, de l’esclavage et des abolitions, le MACTe a été inauguré en 2015 à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, dans un bâtiment spectaculaire édifié sur une usine sucrière.


140 000

C’est le nombre de visiteurs annuels du MACTe. Ce chiffre comprend les nombreuses activités culturelles du site. On ne compte en revanche que 75 000 visiteurs annuels venant pour le parcours permanent.

 

« Un imposant bâtiment moderniste tout juste sorti de terre, long de 240 m et fort de 7 124 m2, dont 2 500 m2 dédiés aux expositions mémorielles et artistiques. Le “centre Beaubourg de l’île” ? La formule circule. » Le JDD, 03/05/2015.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°742 du 1 mars 2021, avec le titre suivant : Laurella Rinçon : « Le MACTe a un message à porter sur le musée au XXIe siècle »

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque