Italie - Patrimoine

La Villa Brandi, le trésor caché de Sienne

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 28 juillet 2023 - 679 mots

VIGNANO / ITALIE

Le directeur de la Pinacothèque de Sienne travaille au rayonnement de la villa Cesare Brandi. Une demeure méconnue, perchée sur les collines toscanes.

Villa Cesare Brandi à Sienne. © Ministero della Cultura.
Villa Cesare Brandi à Sienne.
© Ministero della Cultura.

Vignano près de Sienne, Italie. « Pour moi Vignano est plus qu’un berceau, c’est un morceau d’intestin. » Cesare Brandi (1906-1988) ne pouvait mieux exprimer le lien viscéral qu’il entretenait avec le village sur les collines dominant Sienne, en Toscane. C’est là que se dresse la villa familiale entourée d’une vingtaine d’hectares de vignes et d’oliviers. Son allure de petit fortin semble corroborer l’hypothèse selon laquelle les plans auraient été dressés par l’artiste siennois Baldassare Peruzzi (1481-1537), élève de Bramante, qui se spécialisa notamment dans l’architecture militaire. Ce bâtiment à l’élégance martiale représenta un véritable havre de paix pour Cesare Brandi. L’un des plus éminents critiques d’art italien, mais surtout le fondateur de l’Istituto Centrale per il Restauro (Institut supérieur pour la restauration) à Rome y passa toute son enfance et sa jeunesse. Il y retourna à chaque moment de liberté ou de vacances arraché à son intense carrière académique qui le conduisit à Udine, Bologne et Palerme. C’est dans cette demeure qu’il a fini ses jours il y a tout juste trente-cinq ans, pour reposer depuis dans la petite chapelle située en face de la villa. Sa famille ayant fait fortune dans le commerce de la soie, elle l’acquiert au mitan du XVIIIe siècle.

Villégiature d’artistes

Aucune modification importante n’a été apportée depuis à la structure de la villa. Franchir ses portes, c’est plonger dans l’intérieur de la frugale simplicité d’une famille siennoise des XVIIIe et XIXe siècles. Le mobilier de cette époque est intact, dans des pièces aux plafonds à caissons et au sol en terre cuite. Un salon de musique abrite un précieux piano, – la mère de Cesare Brandi était musicienne. Aux murs, une modeste collection de tableaux qui n’est pas dénuée de charme. Ils s’accordent avec les œuvres bien plus significatives données par les amis de Brandi ou réalisées spécialement pour ces lieux qu’ils fréquentaient avec plaisir. Filippo De Pisis, Giorgio Morandi, Giacomo Manzù, Renato Guttuso, Umberto Mastroianni, Toti Scialoja, Alberto Burri, Antonio Donghi et d’autres s’y retrouvaient autour de leur hôte en toute bonhomie ou y séjournaient pour jouir de la quiétude des lieux. Lieu de repos et de plaisir, la villa était aussi un lieu de travail et de réflexion pour son propriétaire qui y a amassé une riche bibliothèque de 8 500 ouvrages et revues traitant aussi bien d’histoire de l’art que de littérature ou de récits de voyage, mais aussi un fonds important de 13 000 lettres échangées avec les plus grands représentants de la scène culturelle italienne de son époque, ainsi que 7 000 photographies de famille ou d’amis artistes et écrivains.

Un patrimoine dont Cesare Brandi voulait faire profiter le plus grand nombre. Dès 1980 il envisage de céder sa villa à l’État italien après sa mort. Celle-ci survient le 19 janvier 1988 sans assurance que ses dernières volontés seront respectées. Le dossier de la donation s’ensable dans de byzantines questions bureaucratiques tandis que la villa semble vouée l’abandon. En 1995, elle finit par devenir la propriété de l’État qui la confie à la surintendance des biens culturels de Sienne. Une dizaine d’années de travaux ont redonné à la villa tout son lustre et permis sa réouverture au public avec des visites effectuées en petits groupes. La rénovation de l’accueil a été achevée à l’issue de la crise sanitaire et la villa est aujourd’hui en parfait état. La demeure dépend de la Pinacothèque nationale de Sienne dont le premier catalogue a été édité en 1933 par Brandi. Elle est dirigée depuis 2022 par Axel Hémery. Le Français est responsable de trois musées siennois appartenant à l’État : le Museo archeologico nazionale, le Palazzo Chigi Piccolomini alla Postiera et donc la villa Brandi. « Avec la collection d’art moderne et contemporain de cette dernière, je travaille sur des périodes allant de l’Antiquité étrusque au XXe siècle, se réjouit-il. Mon grand défi sera de réveiller cette belle institution qui sommeille. Elle est aujourd’hui principalement connue des spécialistes, mais je veux lui apporter le rayonnement qu’elle mérite. »

Villa Brandi,
Strada di Busseto 40-42, Sienne, visites sur réservation, pinacotecanazionale.siena.it

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°615 du 7 juillet 2023, avec le titre suivant : La Villa Brandi, le trésor caché de Sienne

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