Patrimoine immatériel

Creuse - A Aubusson, la tapisserie fait fil neuf

La tapisserie renaît à Aubusson

Au début de l’année 2016, Aubusson devrait ouvrir la « Cité internationale de la tapisserie et de l’art tissé », appelée à développer les liens entre artisanat et art contemporain

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 10 mars 2015 - 791 mots

AUBUSSON

La Cité internationale de la tapisserie et de l’art tissé devrait ouvrir au début de l’année 2016 à Aubusson. Marqué par une politique d’acquisition volontariste et une ouverture à la création contemporaine, ce projet conclut une réflexion sur une activité négligée en dépit de son inscription sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco.

AUBUSSON - En septembre 2009, les savoir-faire et les techniques de la tapisserie d’Aubusson sont inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco : pour la petite ville de la Creuse, cette distinction s’accompagne du sentiment d’une certaine urgence. La filière textile dans la région est un fil ténu, et plusieurs ateliers de lissiers sont en passe de fermer leurs portes, les artisans partant à la retraite sans successeur. De patrimoine vivant, la tapisserie risque de devenir un patrimoine du passé…

Ces dernières années, plusieurs projets de rénovation du Musée de la tapisserie, installé dans le Centre polyvalent Jean-Lurçat, ont été successivement envisagés avant d’être abandonnés. « Il fallait un projet global, qui prenne en compte les collections du musée, mais également les problématiques de cette filière et l’ouverture à la création », souligne Emmanuel Gérard, directeur de la future Cité internationale.

Le Musée Jean-Lurçat et de la tapisserie contemporaine, ouvert en 1981, disposait d’une surface de seulement 550 mètres carrés pour une collection constituée ex nihilo avec l’appui du Fram (Fonds régional pour l’acquisition des musées) dans les trente années suivantes. Aujourd’hui, le fonds comprend 330 tapisseries murales, 15 000 œuvres graphiques (cartons, dessins..), 4 000 objets techniques, 44 éléments de mobilier… Il s’agit de collecter les œuvres retraçant la production d’Aubusson, des chambres de verdure du XVIIe siècle aux œuvres de Braque et de Le Corbusier dans le courant du XXe siècle. Cette année, la Cité a acquis sur le marché allemand, au terme d’une souscription publique en partenariat avec la Fondation du patrimoine, une tenture murale de verdure fine du XVIIIe aux armes du comte de Brühl pour 180 000 euros : « L’historiographie [partisane, NDLR] a fait que les productions d’Aubusson sont connues de manière parcellaire, les travaux de recherche sur le XXe siècle commencent à peine », rappelle Bruno Ythier, conservateur de la Cité arrivé en 2011.

Dès 2010, la gestion du musée est transférée au syndicat mixte constitué par le conseil régional du Limousin, le conseil général de la Creuse et la communauté de communes Aubusson-Felletin. Dans la foulée, un fonds régional pour la création de tapisseries contemporaines est créé, accompagné d’appels à projets et d’une mise en contact des artistes avec des lissiers-interprètes. Doté d’un budget de 375 000 euros par an, le fonds est un levier non négligeable pour la création dans les communes d’Aubusson-Felletin. « Ce sont des projets au long cours, il faut en général trois ans entre l’appel à projets et l’exposition de l’œuvre », explique Bruno Ythier.

Une « nef des tentures »
La Cité internationale prendra place dans l’ancienne École nationale d’art décoratif d’Aubusson, un bâtiment édifié en croix grecque dans les années 1960 au centre de la ville, et qui a fusionné dans les années 1990 avec l’École nationale supérieure d’art de Limoges. Le bâtiment bénéficie d’une extension en entresol pour accueillir une « nef des tentures » de 600 m2, destinée à recevoir les tentures monumentales. Si la présence d’amiante a retardé de quelques mois l’avancée des travaux, « la maîtrise d’œuvre est exemplaire », estime Emmanuel Gérard. Outre ses surfaces d’exposition permanente (les expositions temporaires seront installées dans l’actuel Musée Jean-Lurçat), la Cité accueillera quatre modules à vocation professionnelle. Y figurent un espace de formation (depuis 1998, Aubusson délivre une formation au métier de lissier sur deux ans) et un centre de documentation – en récupérant le fonds de l’ancienne École nationale d’art décoratif d’Aubusson, la Cité sera à la tête d’un corpus documentaire inédit sur le territoire. Elle comprendra aussi des espaces d’activités professionnelles, et mettra à disposition des ateliers limitrophes des métiers à tisser de grande envergure. Au total, le projet architectural bénéficie d’un budget de 8 millions d’euros HT financé par l’État et les collectivités territoriales.

Depuis 2011, de jeunes lissiers se sont installés à Aubusson, ville labellisée « Pôle d’excellence rurale ». Ils participent chaque année à l’appel à projets du Fonds régional d’art contemporain Limousin, qui, depuis cinq ans, a reçu 1 000 dossiers de projets d’artiste. En parallèle, la Cité travaille ses liens avec le Mobilier national et des manufactures nationales pour créer un pôle de restauration textile dans la future Cité. À Aubusson, les métiers ne chôment pas.

Cité internationale de la tapisserie et de l’art tissé

Directeur : Emmanuel Gérard
Surface totale : 2 800 m2
Budget : 8 M€ HT
Ouverture prévue : début 2016

Légendes photos

Projet de la Cité internationale de la Tapisserie, Aubusson. © terreneuve

Projet d'aménagement de la nef des tentures. © Paoletti & Rouland

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°431 du 13 mars 2015, avec le titre suivant : La tapisserie renaît à Aubusson

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