Un délicat chantier de restauration a permis de restituer à la ville l’un de ses bâtiments majeurs de la Renaissance. Endommagé par le tremblement de terre de 2012, il accueille de nouveau le public.

Italie. Plus qu’une simple réouverture au public, c’est la renaissance d’un de ses joyaux architecturaux que célèbre Ferrare. La Palazzina di Marfisa, résidence de la princesse d’Este, a retrouvé sa splendeur d’antan. Son élégante façade principale, construite en briques apparentes, est rythmée par de grandes fenêtres rectangulaires. Seule concession à la traditionnelle grandiloquence des palais aristocratiques dont elle est dépourvue, son majestueux portail en marbre, œuvre du sculpteur Lorenzo Quaini. La Palazzina avait moins souffert des outrages du temps que de ceux du tremblement de terre de 2012 qui avait durement frappé l’Émilie-Romagne. Après une longue période de fermeture pour des travaux de restauration et de consolidation, le palais accueille enfin des visiteurs, depuis le 6 septembre dernier. Un vaste chantier qui a duré près de trois ans pour un coût total de plus de 1,4 million d’euros. Un effort financier indispensable pour renforcer les murs endommagés, doter l’édifice des plus récentes normes antisismiques, redonner tout leur lustre à ses décorations et le rendre à la fois plus accessible et plus accueillant.
Ferrare célèbre ainsi le 30e anniversaire de son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco en ravivant la mémoire d’une des figures les plus emblématiques de son glorieux passé de capitale de la Renaissance italienne. Marfisa d’Este (1554-1608) est l’une des aristocrates les plus fascinantes de son époque. Fille illégitime de Francesco d’Este, les ducs de Ferrare Alphonse Ier d’Este et Lucrèce Borgia comme grands-parents, et un prénom tiré de l’Orlando furioso, le poème épique composé par Ludovico Ariosto, dit l’Arioste, il n’en fallait pas plus pour laisser présager un destin romanesque. Son existence confirma ces attentes. Elle fut ainsi une éminente animatrice de la vie mondaine de sa cour en tant que protectrice des arts et des lettres, mais surtout du plus grand poète et dramaturge de la péninsule : Torquato Tasso. Femme de culture, Marfisa d’Este fut avant tout une femme de caractère décidant de rester à Ferrare après la dévolution de son duché au Saint-Siège en 1598. Alors que tous ses proches se déplacent à Modène, elle résiste en prouvant le lien indéfectible qui unit sa famille à la ville en demeurant dans la Palazzina, héritée de son père. En 1559, Francesco d’Este fait bâtir pour sa toute jeune fille un casino di delizie, une petite résidence de plaisance conçue pour fuir les obligations de la cour et s’adonner aux divertissements. Marisa ne quittera jamais ce havre de paix avec ses splendides jardins, sa célèbre loggia et ses intérieurs somptueusement décorés de grotesques que l’on doit à l’atelier des Lippi. L’écrin idéal pour la vie artistique et littéraire de Ferrare jusqu’à la mort de Marfisa en 1608.

Le déclin de la Palazzina à partir du mitan du XVIIIe siècle n’est enrayé qu’au début du XXe siècle. Une première restauration a lieu entre 1910 et 1915, prélude à sa transformation en musée en 1938 grâce au critique d’art et muséographe Nino Barbantini. Soucieux d’en faire un espace représentatif de la ville tout en évoquant une demeure de la Renaissance, il remplace le mobilier originel qui avait disparu par des œuvres des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles acquises sur le marché de l’Art. Le véritable attrait de la Palazzina réside dans la Loggia degli Aranci – la loggia des Orangers – (voir ill.). Située dans le jardin, elle était autrefois aussi bien un espace de divertissements pour des concerts et des bals que de repos selon le bon vouloir de sa propriétaire. Son nom lui vient de la décoration de sa voûte, qui imite une tonnelle luxuriante avec des plantes, des oiseaux et des animaux, créant l’illusion d’être en pleine nature.
La loggia comme les salles de la Palazzina ont ainsi fait l’objet de délicates opérations de restauration menées par le Service du patrimoine monumental de la ville de Ferrare vigilant quant à la réutilisation des matériaux anciens, la Fondation Ferrara Arte, la Surintendance des biens culturels ainsi que la Banca BPER à la riche collection d’œuvres d’art et de meubles anciens. « L’objectif était de créer un musée dynamique qui, d’une part, conserve les transformations du XXe siècle et, d’autre part, célèbre l’histoire de la Palazzina et la figure de Marfisa d’Este, revendique Marco Gulinelli, conseiller municipal en charge du patrimoine. Il s’agira d’un lieu accessible à tous, ce qui n’était pas possible auparavant, transformant la précieuse résidence des Este en un musée en phase avec son temps et enfin inclusif grâce à des rampes d’accès qui atténuent les dénivelés du sol. » L’installation d’un nouveau système d’éclairage exalte la teinte champagne des murs. Il sublime les grotesques peints sur les plafonds en révélant des détails jusqu’ici difficilement observables. Le nouveau parcours de visite, élaboré pour respecter la stratification du bâtiment et ses transformations au fil des siècles, bénéficie de cartels clairs et précis. Un chantier de restauration qui n’a pas seulement valorisé, mais surtout respecté, l’un des symboles les importants du Cinquecento de Ferrare qui lui est enfin restitué.
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La Palazzina di Marfisa d’Este rouvre ses portes à Ferrare
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°662 du 3 octobre 2025, avec le titre suivant : La Palazzina di Marfisa d’Este rouvre ses portes à Ferrare









