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La crise bénéficie au service de billeterie en ligne de Patrivia

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 23 octobre 2020 - 1019 mots

Créé par la start-up en 2017, le service de vente de billets et de réservation de visites dans les monuments et musées montre tout son intérêt dans le contexte de crise sanitaire actuel.

© Patrivia
© Patrivia

France. Au sortir du confinement, il était impossible de passer à côté du hashtag #CetÉtéJeVisiteLaFrance. Le mot-dièse, colporté sur les réseaux sociaux par Stéphane Bern ou le secrétaire d’État chargé du tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, s’était échappé de Twitter pour faire les titres de la presse et des journaux télévisés, incitant les Français à planifier des vacances hexagonales. Un pari réussi pour Christian Clarke de Dromantin, cofondateur de la start-up Patrivia, et à l’initiative de cette campagne à travers le collectif Patrimoine 2.0. « L’idée était d’inciter les Français à passer leurs vacances en France, de la même manière que l’on incite les gens à consommer local », explique-t-il.

Aider ses compatriotes à trouver une alternative locale pour leurs loisirs, c’est devenu sa vocation depuis qu’il a cofondé Patrivia en 2017 avec Maunoir de Massol. Comme beaucoup de jeunes gens travaillant dans la finance (pour l’un) ou dans l’événementiel (pour l’autre), ils se sont trouvés confrontés à une crise de sens dans l’exercice de leur profession – « j’ai organisé un mariage avec 20 000 euros de fleurs… », se souvient l’entrepreneur. Ils se tournent alors vers leur amour du « beau », avec une idée assez simple : « On est partis du constat que 99 % pour cent des lieux patrimoniaux n’ont pas de billetterie sur Internet, alors que 30 % des achats touristiques se font en ligne. »

Le site de Patrivia ne propose ainsi qu’une seule fonctionnalité aux internautes : réserver en ligne une visite dans un château, une abbaye, ou – depuis peu –, un musée. Rien de révolutionnaire, pourrait-on dire, cela existe dans bien d’autres secteurs. Pourtant « la moyenne d’âge des gestionnaires et propriétaires sur Patrivia est de 70 ans, et beaucoup ne savent pas se servir du numérique », rappelle Christian Clarke de Dromantin. Dans ces lieux patrimoniaux parfois confidentiels, la billetterie se résume souvent à un vieux carnet à souche ; y faire entrer un moyen de paiement dématérialisé représente alors une vraie révolution : « Il a fallu faire une véritable évangélisation de la numérisation, certains ne voyaient vraiment pas l’intérêt. »

2020, un crû exceptionnel

À Saint-Bonnet-les-Oules (Loire), entre Montbrison et Saint-Étienne, Sophie de Roquigny a hérité de la gestion du château familial, une grande bâtisse classée depuis 1984 grâce à ses fresques du XVIIe siècle et son escalier monumental, mais qui n’attire pas les foules. L’édifice classé monument historique a été intégré au catalogue de Patrivia depuis trois saisons touristiques. La châtelaine fait le bilan : « La première année ça n’a pas fonctionné, la seconde légèrement mieux, mais en 2020 les réservations ont explosé ! » Le site a amené un tiers des 900 visiteurs du château sur la saison estivale, et résolu un problème jusqu’ici insoluble : « Pendant les Journées européennes du patrimoine, beaucoup de visiteurs n’avaient pas de liquide. On avait juste à leur dire d’aller sur Patrivia faire une réservation ! »

Si la saison a été bonne pour Sophie de Roquigny, elle a été exceptionnelle pour Patrivia : « Le mois d’août, nous avons fait le chiffre de toute l’année 2019 », affirme Christian Clarke de Dromantin, qui attribue ce succès à un engouement des Français pour le patrimoine et « cette vague verte des [élections] municipales […] qui est le signe que les gens ont besoin de nature, de beau, de vivre en liberté ». Le site s’est aussi révélé comme l’outil adapté à la crise sanitaire pour faire respecter les jauges et indiquer les créneaux de visite libres.

Cette réussite a attiré, début septembre, l’attention des investisseurs : les titres de presse économique se sont fait alors l’écho d’une levée de fonds de 1 million d’euros, faisant rentrer Patrivia dans le cercle des jeunes pousses à suivre de près.

Une commission entre 15 et 20 %

Pour autant, les deux fondateurs ne souhaitent pas diversifier leurs activités, mais, à l’inverse, ils se concentrent sur ce service de billetterie, un modèle économique simple et compréhensible. Sur chaque billet vendu sur Patrivia, la start-up encaisse 20 % du prix. Et pour les gestionnaires, pas de frais d’inscription, pas de frais de gestion ni de demande d’exclusivité. Les gestionnaires membres des associations Vieilles maisons françaises ou Demeure Historique profitent même d’un partenariat qui réduit leur reversement à 15 % du prix du billet. À cette billetterie classique s’ajoute le Pass patrimoine, lancé l’an passé, qui permet, pour 79 euros, un accès illimité aux quelque 500 monuments du catalogue pendant un an.

« On prend un risque financier sur le Pass, puisque l’on reverse 80 % du prix du billet aux gestionnaires lorsqu’il est utilisé, explique Christian Clarke de Dromantin. Donc plus vous visitez de monuments, plus vous aidez les gestionnaires. » Pour Sophie de Roquigny, le Pass patrimoine a aussi permis d’attirer des visiteurs nouveaux : « Nous avons eu beaucoup de Lyonnais qui sont venus grâce au Pass, juste parce qu’ils ont vu que le château était à une heure de route et disponible sur Patrivia. »

Le catalogue de la start-up est pour l’instant constitué d’une grande majorité de châteaux et vieilles demeures, de petits monuments à faible fréquentation : un « fonds de commerce » que les fondateurs souhaitent enrichir désormais en faisant rentrer des musées sur leur plateforme. En Île-de-France, le Musée national de la Renaissance à Écouen, le Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye ou celui du Quai Branly-Jacques Chirac se sont déjà laissé convaincre. « Il y a aussi un vrai besoin du côté des musées, souligne l’entrepreneur. Jusqu’à cet été, le Musée Guimet n’avait pas de service de réservation en ligne par exemple.» Pour la start-up, c’est aussi le moyen de proposer une activité régulière tout au long de l’année : les monuments, plutôt visités durant l’été, et les musées, réservés aux mois de grisaille.

Autre chantier auquel vont s’atteler les deux startuppeurs : diversifier une clientèle, à ce jour composée d’aficionados des monuments historiques. Avec la levée de 1 million d’euros, ils espèrent ainsi recruter deux développeurs pour améliorer la plateforme, ainsi que des commerciaux, et développer leur communication pour se faire connaître du grand public.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°553 du 16 octobre 2020, avec le titre suivant : La crise bénéficie au service de billeterie en ligne de Patrivia

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