Politique - Restitutions

Frises du Parthénon : des tentatives de compromis

Les archives du British Museum révèlent des tractations entre Grecs et Britanniques dès 1982

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 18 février 2000 - 839 mots

ATHÈNES - LONDRES

L’intransigeance des positions grecques et britanniques sur le sort des frises du Parthénon, dont le récent colloque sur leur restauration discutable a apporté un nouvel exemple, n’a pas toujours été aussi ferme qu’aujourd’hui. Des archives du British Museum révèlent qu’en 1994, le ministre grec de la Culture était prêt à accepter une restitution partielle, tandis qu’en 1982, le British Museum avait envisagé un prêt à long terme.

LONDRES (de notre correspondant) - Après avoir reconnu que le “nettoyage” des années trente avait été des plus malheureux, le British Museum poursuit sa politique de transparence en ouvrant largement ses archives. De nombreux documents relatifs aux marbres du Parthénon peuvent donc être consultés, bien avant l’expiration du délai réglementaire de trente ans.

En 1994, le gouvernement grec semble désireux de mettre fin à la dispute sur les sculptures du Parthénon en acceptant de ne récupérer que certaines des œuvres conservées au British Museum (BM). Le 19 juillet, le département du National Heritage informe par écrit le directeur du musée, Robert Anderson, de la teneur d’une conversation entre son ministre, la baronne Trumpington, et le ministre grec de la Culture, M. Mikroutsikos. Ce dernier aurait déclaré, en privé, que son gouvernement “était prêt à accepter une restitution partielle, en ne réclamant que certaines rondes-bosses, et n’insisterait pas pour récupérer l’ensemble des fragments de la frise du Parthénon”. Bien que les rondes-bosses ne représentent qu’une petite partie de l’ensemble, qui comprend aussi la frise et les métopes, elles en sont toutefois les pièces les plus importantes. Le 23 janvier, les membres du conseil d’administration du BM examinent la proposition grecque et estiment que “rien dans cette offre ne pouvait les inciter à changer d’avis”.

Un prêt à long terme
Si, en 1994, la position du musée semble inébranlable, une dizaine d’années plus tôt, le problème avait été envisagé avec davantage de souplesse. Parmi les documents contenus dans les archives, un discours prononcé par Brian Cook, conservateur du département des Antiquités grecques et romaines, lors d’un congrès à Bâle, le 8 avril 1982, évoque l’idée d’un prêt à long terme. En vertu de “la politique actuelle du BM, expliquait-il, les prêts à l’étranger sont limités à des périodes de courte durée pour des expositions précises, sauf circonstances exceptionnelles”. Il cite ainsi l’exemple du couvercle d’un vase grec acquis en 1843, qui s’est avéré appartenir à une amphore conservée au Musée de Berlin ; aujourd’hui, l’objet complet y est présenté dans le cadre d’un prêt à long terme. Brian Cook avait ajouté qu’il était “parfaitement possible, en principe, que le British Museum prête les fragments des sculptures du Parthénon au Musée de l’Acropole pour une période déterminée”. Évoquant un entretien avec George Dontas, ancien inspecteur général grec du Service des Antiquités, il déclarait : “Nous sommes d’accord sur le principe et pensons que les petits fragments devraient être réintégrés à leurs sculptures d’origine.” Et il espérait que les “négociations se solderaient par un succès”.

L’intervention de Melina Mercouri, lors de sa visite à Londres en mai 1983, met fin à ces tractations. Dans une lettre adressée aux membres du conseil d’administration du BM, le directeur Sir David Wilson raconte comment le ministre grec de la Culture a essayé de tenir une conférence de presse dans la galerie Duveen. “Le comportement de la presse était digne d’une mêlée de l’équipe d’Eton, et notre service de sécurité a dû s’interposer physiquement entre les journalistes et les marbres”. L’ancienne actrice a eu “très peur” et “n’a pas cessé de trembler”.

Neil Kinnock, à l’époque leader du Parti travailliste, relaye la demande de restitution formulée par Melina Mercouri. Le 26 janvier 1984, Wilson écrit à Lord Donaldson, ancien ministre travailliste des Arts, pour le remercier de sa lettre dans laquelle il soutenait la position et l’esprit critique du musée. “Je ne peux plus supporter la façon insensée dont les politiques parlent des marbres Elgin, ajoutait-il. Cette affaire sera bientôt récupérée par les partis politiques et d’une certaine manière, je ne sais plus que faire pour régler le problème. Toute cette histoire est épuisante et commence à devenir franchement inquiétante.” Le directeur commence également à s’irriter de la lenteur du Foreign Office, dont la réponse à la demande officielle grecque, adressée le 12 octobre 1983, se fait attendre. Le 26 février 1984, il informe les membres de son conseil d’administration que cette temporisation trouve son origine dans “une divergence d’opinion entre l’ambassadeur britannique à Athènes, selon lequel la réponse devait être courte et directe, et le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth, qui penchait en faveur d’une approche plus conciliante”. Seize ans plus tard, les marbres du Parthénon font toujours la fierté du British Museum.

Par ailleurs, le gouvernement turc s’est dit “prêt à contribuer” à la restitution des frises à la Grèce. Cet engagement fait suite la réaction de la ministre grecque de la Culture, Elisabeth Papazoi, qui estimait nécessaire l’aide de la Turquie “dans l’effort entrepris pour le retour de ces frises, puisque leur destruction et leur enlèvement par Lord Elgin se sont produits sous l’Empire Ottoman”.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°99 du 18 février 2000, avec le titre suivant : Frises du Parthénon : des tentatives de compromis

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