Fondation du patrimoine : une révolution culturelle

Elle veut soutenir 1 500 réhabilitations chaque année en associant fonds publics et privés

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 30 janvier 1998 - 736 mots

Le Législateur a assigné à la Fondation du patrimoine des objectifs ambitieux servis par de modestes moyens. Paradoxalement, de cette pénurie sortira peut-être une révolution culturelle pour la France. Les animateurs de la Fondation proposent en effet des chemins nouveaux qui devraient permettre l’émergence d’une gestion publique-privée du patrimoine et pourraient préfigurer un modèle de développement culturel adapté à la France.

La Fondation rassemble la plupart des traits que l’on souhaiterait voir développer ou redécouvrir en France comme un contrepoint de la mondialisation : l’ancrage dans le terrain, ici le terroir, là le savoir-faire artisanal ou industriel ; la solidarité de communautés conscientes de leurs appartenances, et donc plus fortes pour s’ouvrir et accueillir ; la mobilisation des énergies bénévoles, renforcées de savoir-faire et de moyens au service de projets identifiés ; la mise en œuvre d’un lien culturel et peut-être la restauration d’un lien social par l’action commune des volontaires, des associations, des élus, des chefs d’entreprise, regroupés sur des actions réalisables et appropriables par tous.

Un “New Deal”
C’est presque un “New Deal” à base culturelle, l’action de proximité remplaçant les grands travaux, le bénévolat, le mécénat et l’ingéniosité de groupe se substituant à l’assistance des fonds publics. On peut parler de grands travaux dont la mesure est donnée par les 400 000 éléments de patrimoine rural, mais également artisanal ou industriel, ouvrages, immeubles et sites non protégés qui constituent l’environnement de tous, lieux de mémoire et lieux de vie, “confiés” à la Fondation. Laissant à l’État et aux collectivités leur rôle traditionnel, la préservation des grands édifices, la mise en valeur des chefs-d’œuvre, la réalisation et la gestion des grands projets culturels, la Fondation propose de jouer au maximum les effets de levier et de réseau qu’autorise la proximité afin de rassembler les énergies et les moyens.

Avec une efficacité de chef d’entreprise – ce qui n’a rien de surprenant puisque les membres fondateurs industriels, statutairement majoritaires au conseil d’administration, sont tous des responsables d’entreprises généralement cités en exemple pour leur stratégie industrielle et financière –, le président Édouard de Royère, aidé de son conseil d’administration et d’une petite équipe (pour l’essentiel des bénévoles), a entrepris d’établir un maillage serré au niveau des régions et des départements. C’est en effet dans la proximité que les élus, les associations, les chefs d’entreprise, mais également les scientifiques de la culture peuvent efficacement coopérer, proposer ou appuyer des actions et collecter des moyens qui resteront affectés localement (c’est un engagement de chaque délégation régionale, sauf désir exprès des donateurs).

Dans le même esprit, la Fondation propose aux délégués régionaux et départementaux, et à l’ensemble des adhérents, des objectifs auxquels chacun pourra contribuer quels que soient ses moyens. À tous, mais d’abord aux particuliers et associations, le recensement et la proposition des actions prioritaires. À tous également, mais d’abord aux élus, la recherche des effets de réseau, de la collaboration des administrations concernées pour apporter la rigueur scientifique, la maîtrise des procédures réglementaires et financières (jusqu’à l’échelon des programmes d’aide européens). À tous encore, mais d’abord aux chambres de commerce et des métiers, le recensement des savoir-faire artisanaux ou industriels mis en œuvre sur les chantiers, ainsi que leur prolongement sous forme de mise en valeur touristique, produits et services dérivés... qui pourront convertir en richesses et en emplois – en particulier en emplois jeunes – cette mobilisation culturelle. À tous enfin, mais d’abord aux chefs d’entreprise et aux associations, de collecter les moyens financiers.

300 000 adhérents en l’an 2000 ?
Bref, une répartition fonctionnelle des tâches tenant compte des compétences, autour de projets auxquels chaque participant pourra se sentir directement lié, complétée d’une organisation proche du terrain et apte à utiliser les effets de levier. La Fondation espère 200 à 300 000 adhérents pour l’an 2000 et une collecte de fonds moyenne annuelle par département de 8 millions de francs, soit 600 à 700 millions à l’échelle nationale.

Ce n’est peut-être qu’un “business plan” du patrimoine de proximité. En tout cas, c’est bien conçu et, semble-t-il, bien mis en œuvre. Mais c’est peut-être, au-delà, une nouvelle compréhension de la diffusion, de l’éducation, de l’appropriation culturelle, et un outil de réduction des “fractures” sociales.

Dans ce sens, il n’est pas interdit de penser que cette démarche permettra d’associer efficacement et durablement en France les interventions publiques et privées dans la culture. Cela fait de toute façon un beau projet pour l’an 2000. Et il commence tout de suite.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°53 du 30 janvier 1998, avec le titre suivant : Fondation du patrimoine : une révolution culturelle

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