Copie à l’identique

Les bouddhas de Bamiyan pourraient être reconstruits

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 8 mars 2002 - 796 mots

En avril, l’Unesco organisera une réunion internationale en Afghanistan au sujet des bouddhas de Bamiyan. Le projet de reconstruction de ces symboles du patrimoine national a déjà reçu le soutien du ministre de la Culture et de l’Information afghan, Raheen Makhdoom. Les travaux devraient durer quatre ans et représenter un coût approximatif de 34 à 57 millions d’euros.

Londres (de notre correspondant) - Mandaté par l’Unesco, Paul Bucherer-Dietschi, directeur de la Biblioteca Afghanica, une institution en exil à Bubendorf, près de Bâle, a effectué une mission de cinq semaines à Kaboul. Il y a trouvé un soutien sans limites pour la reconstruction des deux statues détruites par les talibans. “Lorsque je discutais avec des gens dans les bazars, j’insistais sur le fait que restaurer une seule statue coûterait aussi cher que de construire trente ponts”, se souvient-il. Les Afghans lui répondaient : “Les ponts, nous pouvons les reconstruire nous-mêmes, et nous le ferons, quoi qu’il arrive. Mais les bouddhas doivent eux aussi être reconstruits – c’est notre patrimoine.” La reconstruction des statues de Bamiyan, édifiées il y a 1 700 ans, est considérée comme “une priorité politique absolue”. D’un point de vue symbolique, ce serait rejeter en bloc tout ce que les talibans et Al-Qaida représentaient. D’un point de vue économique, cela encouragerait les touristes étrangers à revenir à Bamiyan. “Sinon, pourquoi feraient-ils huit heures de route, depuis Kaboul, sur une piste de graviers ?” La visite récente de Paul Bucherer-Dietschi à Bamiyan lui a permis d’établir un rapport détaillé de la situation et les événements terribles qui se sont produits il y un an. “J’espérais que les pieds des bouddhas eussent en partie été épargnés sous les décombres, mais la destruction a été réalisée avec un grand professionnalisme”, a-t-il déclaré. Les talibans de la région n’étaient pas très enthousiastes à l’idée d’effectuer la besogne, c’est pourquoi des partisans étrangers d’Al-Qaida ont été envoyés de Kaboul, accompagnés de deux spécialistes en explosifs. Le 20 février 2001, ils ont percé à la base des statues des cavités de 1,80 m de profondeur avec du matériel sophistiqué et y ont placé des explosifs. Les travaux de destruction se sont ensuite poursuivis jusqu’au 8 mars. “Absolument rien ne restait des bouddhas, à part quelques amas de pierres provenant de l’intérieur des statues. J’ai cherché pendant des heures, et n’ai pu retrouver qu’un petit fragment seulement du revêtement extérieur, pas plus grand que ma main.” En effet, les habitants de la région lui ont expliqué que l’ensemble du revêtement de plâtre avait été dégagé par six camions puis expédié au Pakistan, où il aurait été vendu. Dans le cadre de la reconstruction, ce ne sont pas les travaux entrepris sur les statues qui seront les plus onéreux, mais ceux concernant la falaise voisine, gravement endommagée par de nombreuses explosions. L’insertion de tiges d’acier pour stabiliser les parois pourrait être nécessaire. Heureusement, des relevés photogrammétriques très détaillées de la statue la plus haute, 53 mètres, avaient été effectués dans les années 1970 par un spécialiste autrichien, Robert Kostka. D’autres données avaient été réunies par Takayasu Higuchi, professeur à l’université de Kyoto, dans les années 1980. Les statues pourraient donc être reconstruites de manière que rien ne puisse les différencier des originaux disparus. De la pierre locale au béton, différents matériaux ont été proposés et il est envisageable de construire des supports horizontaux tous les trois mètres environ, et de recouvrir cette structure d’un revêtement léger. Cela permettrait de redessiner la forme de l’original, sans avoir à utiliser un matériau solide, trop éloigné de la première technique. Cette option permettrait également d’inclure une cage d’escalier interne pour accéder au sommet de la statue. Une autre option serait de construire des répliques à quelque 200 mètres de là, et non pas dans les niches originales. Paul Bucherer-Dietschi a également visité les vestiges du Musée de Kaboul, détruit l’année dernière par les talibans. “En fait, la totalité de la collection est pratiquement réduite à un monticule de débris de six mètres cubes”, a-t-il expliqué. Les conservateurs du musée lui ont raconté comment chaque vitrine a été méthodiquement vidée, et comment tous les objets représentant des formes humaines ou animales ont été systématiquement écrasés au marteau. Les plus gros morceaux n’étaient pas plus grands qu’un ongle. Pendant trois semaines, dix personnes se sont acharnées à cette destruction. Le mystère reste entier concernant l’or bactrien stocké dans un coffre-fort du ministère des Finances. Les 20 000 objets d’or, exhumés en 1978, auraient été enfermés dans des boîtes dont l’ouverture nécessite sept clés. Malgré des recherches poussées, Paul Bucherer-Dietschi n’a pu retrouver la trace de ce trésor. Le fait qu’aucun des objets découverts en 1978 n’ait fait son apparition sur le marché donne de bonnes raisons d’être optimiste, même s’il n’est pas impossible qu’ils aient été fondus.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°144 du 8 mars 2002, avec le titre suivant : Copie à l’identique

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