Archéologie

Chichén Itzá rajeunit

Les archéologues proposent une relecture de l’histoire maya

Par Antonio Aimi · Le Journal des Arts

Le 27 août 1999 - 726 mots

CHICHEN ITZA / MEXIQUE

S’il est un domaine où les certitudes fragiles menacent d’être battues en brèche par de nouvelles découvertes, c’est bien celui de l’archéologie précolombienne. Pourtant, une simple révision de la chronologie a bouleversé l’un des lieux communs les mieux ancrés sur l’ancien Mexique : celui de la « migration des Toltèques » de Tula vers Chichén Itzá, au Yucatán.

CHICHEN ITZA (MEXIQUE) - Jusqu’à aujourd’hui, de l’époque des cités mayas à la période classique, l’histoire semblait établie. Le déclin de cette civilisation commençait vers 800 ap. J.-C., avant que les Toltèques venus de Tula, au Mexique central, ne migrent dans la région à la fin du Xe siècle et ne donnent naissance à une civilisation mixte maya-toltèque dont l’aire se situait dans le nord du Yucatán, autour de la cité de Chichén Itzá. Ce lieu commun de la migration des Toltèques a été mis en pièces par une révision de la chronologie opérée par une équipe de chercheurs. Pour eux, la céramique “sotuta”, généralement associée à l’époque toltèque – et que l’on trouve à Chichén Itzá –, est plus ancienne d’au moins deux siècles. La corrélation entre les dates des textes, les styles architecturaux et les datations au carbone 14 indique clairement que Chichén s’est développée entre 650 et 900 ap. J.-C. Par conséquent, la fin des constructions monumentales et le début du déclin du plus grand centre maya du Yucatán doit être situé entre 950 et 1000 ap. J.-C., obligeant ainsi à réécrire les manuels et les livres existants, les textes scientifiques et les cartels explicatifs des musées : Chichén se trouve à son apogée lorsque Tula n’en est qu’à ses premiers pas. On ne peut donc plus soutenir que l’essor de Chichén fait suite à l’arrivée et à la conquête des Toltèques du Mexique central.

L’un des mythes de l’archéologie méso-américaine les plus répandus, élevé au rang de dogme et admis naïvement par tous, tombe ainsi sous le couperet d’une simple révision d’époques, sans l’honneur d’une découverte imprévue et surprenante. En vérité, cette reconstruction du passé précolombien tirait sa force de certains récits, d’authentiques mythes recueillis par des chroniqueurs après la Conquête. Ces sources évoquent un roi de Tula appelé Quetzalcóatl qui garantissait à son royaume prospérité et abondance sans recourir au sacrifice humain. Quetzalcóatl fut toutefois vaincu par la duperie de Tezcatlipoca et, après avoir abandonné la capitale, rejoignit la côte du golfe du Mexique. Là, selon certaines versions, il s’immola sur un bûcher pour renaître comme l’étoile du matin. Selon d’autres versions, il prit le large vers l’Est. Il n’est pas surprenant qu’à l’aube de l’archéologie moderne, ce récit cosmogonique ait été pris à la lettre et utilisé dans l’explication simpliste des fortes convergences de style et d’architecture entre Tula et Chichén Itzá. En revanche, ce mythe de la “migration des Toltèques” a tenu bon jusqu’à nos jours, même s’il était évident, depuis vingt ans au moins, que les influences mayas au Mexique central, à Cacaxtla et Xochicalco, sont très fortes et précèdent d’au moins trois siècles l’émergence de Tula (époque Tollan : 950-1150 ap. J.-C.). Reste à expliquer ces convergences manifestes entre Tula et Chichén. En excluant d’improbables migrations dans la direction opposée, les experts Ringle, Gallareta et Bey, auxquels revient le mérite de cette mise au point, avancent l’hypothèse d’un culte rendu à Quetzalcóatl tout le long de la côte du golfe. À différentes époques, celui-ci aurait non seulement impliqué Tula et Chichén, mais aussi Cacaxtla, Xochicalco, Cholula, El Tajín, Mayapán et d’autres villes, dans un jeu relativement long de renvois et d’influences croisées.

Le président mexicain, Ernesto Zedillo, a tenu à faire lui-même l’annonce d’une découverte aussi importante que fortuite dans la cité maya de Palenque, dont les fouilles sont réalisées sous la direction des archéologues Alfonso Morales et Christopher Powell. Un bas-relief et la première tombe peinte à fresque du site ont été mis au jour. Les peintures murales, dont on connaît d’exceptionnels témoignages à Bonampak, représentent des figures anthropomorphes et zoomorphes. Par ailleurs, le gouvernement mexicain a indiqué récemment que plus de 10 000 objets pillés sur des sites archéologiques avaient été récupérés au cours de l’année écoulée. Les pièces ont été soit saisies par les services fédéraux, soit retournées par l’intermédiaire des ambassades et consulats à l’étranger. L’importance de ces saisies témoigne de l’ampleur des pillages sur les innombrables sites non surveillés, disséminés dans tout le pays.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : Chichén Itzá rajeunit

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