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Autun lance son chantier du siècle

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 22 juillet 2025 - 1025 mots

La petite ville bourguignonne entame le chantier d’extension du Musée Rolin, devenu le « Panoptique ». Une opération complexe et d’envergure comprenant la réhabilitation d’une prison patrimoniale.

Vue d'architecte du projet d'extension du Panoptique d'Autun. © Atelier Novembre
Vue d'architecte du projet d'extension du Panoptique d'Autun.
© Atelier Novembre

Autun (Saône-et-Loire). Sur les murs des cellules, on peut encore lire les graffitis gravés par les prisonniers. Une croix rouge s’efface peu à peu sur la vitre de l’infirmerie, tandis que la porte du parloir est fermement verrouillée. Vidée de ses détenus depuis 1956, la prison panoptique d’Autun demeure imprégnée de son passé carcéral, sur les trois niveaux de ses coursives jouxtant la célèbre cathédrale. Un temps réaffecté en garde-meuble, puis racheté par la Ville en 2002, cet exemple d’architecture carcérale circulaire classé monument historique en 2017 est désormais au cœur d’un vaste projet de réaménagement urbain.

Parler d’un simple « projet muséal » pour évoquer le chantier du Panoptique-Musée Rolin, deux établissements mitoyens, semble en effet insuffisant : la refonte de l’ensemble unit trois bâtiments que le projet architectural de l’Atelier Novembre se propose de connecter par le sous-sol. Trois monuments donnant sur une place centrale d’Autun, au cœur de l’ancien quartier épiscopal, et porteurs chacun de problématiques. L’hôtel du chancelier Rolin, écrin historique du musée (fermé depuis 2022) et siège de la Société éduenne, cumule toutes les difficultés d’un hôtel particulier Renaissance, avec ses ruptures de niveaux, ses portes aux linteaux bas et ses pièces en enfilade. L’ancienne prison et le tribunal (désaffecté depuis 2009) sont quant à eux des friches patrimoniales à réinvestir en tenant compte de leur histoire, en particulier pour le panoptique.

Un changement d’identité

« C’est un projet sans équivalent dans la région, certains disent même que c’est trop gros pour Autun, rapporte Gauthier Gimenez, adjoint au maire chargé de la culture et du patrimoine. À terme, j’aimerais que cela devienne un lieu de vie dans la ville, comme le Musée des beaux-arts de Dijon avec ses cours ouvertes. » La directrice du musée, Agathe Legros, a quant à elle un autre modèle en tête : « C’est un projet de requalification à l’échelle de la ville, à l’image de ce qu’a été la Piscine [Musée d’art et d’industrie] pour Roubaix. L’adhésion des habitants à ce projet a été remarquable. » Celle des Autunois était jusqu’ici timide, voire interrogative face aux années d’études préparatoires et de diagnostics, depuis que le concours architectural a été lancé en 2018. « Il y a aussi eu un changement d’identité, après deux années de discussions, rappelle Jean-Baptiste Rezvoy, qui dirige le projet. Le Musée Rolin est devenu le “Panoptique”, et ce nouveau nom s’est imposé assez naturellement. »

Une partie des œuvres du Musée Rolin (fermé) est présentée actuellement au Muséum d’histoire naturelle dans une exposition temporaire où l’on peut voir : la « Vierge Bulliot », sculpture polychrome du XVe siècle, la Tentation d’Ève ou les fragments du tombeau de saint Lazare, témoignages romans extraits de la cathédrale voisine… Des mosaïques gallo-romaines aux petits formats du peintre nabi Maurice Denis, ces « Merveilles choisies » (visibles jusqu’au 27 août) couvrent l’histoire de l’art avec des pièces uniques par leur histoire et leur qualité.

Le Musée Rolin dispose désormais de réserves extérieures, dans une ancienne tannerie réhabilitée et mise aux normes de conservation, vaste hangar sur trois niveaux dans lequel les œuvres sélectionnées pour le futur parcours, dormant encore dans leur caisse de transport, sont marquées d’une gommette orange. Mûri depuis une dizaine d’années, ce parcours permanent se divisera en deux temps : une partie historique, valorisant la très riche histoire locale de l’Antiquité à la Révolution ; un parcours artistique, brossant un panorama de l’art européen de la Renaissance au second XXe siècle.

L’inauguration de ces réserves, le 28 mai dernier, se doublait du lancement officiel du chantier du Panoptique : un véritable événement pour la ville de 13 000 habitants. À cette occasion, préfet de région, directeur régional des Affaires culturelles, vice-présidents départemental et régional se sont succédé sur l’estrade installée près de l’ancienne prison, confirmant chacun avec enthousiasme des engagements financiers notables dans une période de vaches maigres budgétaires : 50 % des 20 millions d’euros de l’opération globale pour l’État, 20 % pour la Région Bourgogne-Franche-Comté, 6 % pour le Département.

Mais, même après les 4 % abondés par l’Europe, le reste à charge pour la Ville reste considérable : « C’est un effort énorme, qui implique des choix, explique Gauthier Gimenez. Il faut que nous soyons solides financièrement pour mener ce projet à terme, et nous avons reçu un feu vert de la cour régionale des comptes qui nous a rassurés. »

Dynamique de rebond dans une commune en perte de vitesse, mise en tourisme accélérée pour une ville qui n’attire pas autant de visiteurs que sa voisine Beaune, ce projet est vu par les collectivités partenaires comme un véritable levier de développement du territoire. « Une de mes premières missions a été de définir l’architecture budgétaire, relate Jean-Baptiste Rezvoy. Ce sont tous ces partenariats noués dès 2016 qui permettent de financer le projet aujourd’hui. » Le budget total est toutefois basé sur les prix de 2020 : l’exécution de la deuxième phase, qui prévoit l’aménagement des salles d’expositions temporaires dans l’ancien tribunal, pourrait nécessiter une rallonge.

Une place pour la prison dans le parcours de visite

Pour l’heure, le cap reste fixé sur 2028 pour une livraison de la première phase, consistant en la restauration de l’hôtel Rolin et de la prison, et en la création d’espaces de circulation axés autour du panoptique pour relier les parties de cet ensemble hétéroclite. Si, dans l’hôtel particulier, les collections vont retrouver leurs salles, la prison circulaire se visitera, elle, comme un monument. « La prison a trouvé sa place dans le parcours, indique la directrice du musée. Nous allons éviter de trop muséographier, avec quatre cellules visitables et thématisées. Nous avons beaucoup affiné notre connaissance du bâtiment : diagnostic archéologique, travail sur les archives de la Maison du patrimoine oral de Bourgogne… C’est un lieu qui n’est pas anodin, et qui sera présenté pour lui-même. » Au sommet de la rotonde, les anciennes cours de promenade deviendront un centre d’interprétation du patrimoine, et un belvédère offrira un point de vue unique sur la ville et la cathédrale romane. « On a la chance de trouver une utilité à un bâtiment inutilisable ! », glisse le directeur du projet.

Projection 3D de la façade. © Atelier Novembre / Agence Christophe Gautrand & Associés
Atelier Novembre / Agence Christophe Gautrand & Associés
© Projection 3D de la façade.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°659 du 4 juillet 2025, avec le titre suivant : Autun lance son chantier du siècle

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