Société

Éditorial

Un avant-goût des années folles

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2021 - 365 mots

Actualité culturelle. Embouteillage des sorties de films et embouteillage d’inaugurations d’expositions ou de nouveaux lieux.

Manuel Orazi, Paris la nuit, dans un dancing de Montmartre, planche réalisée pour l'ouvrage collectif L'amour et l'esprit gaulois à travers l'histoire du XVe au XXe siècle, tome IV, Paris, Martin-Dupuis, 1927. © Domaine public
Manuel Orazi, Paris la nuit, dans un dancing de Montmartre, planche réalisée pour l'ouvrage collectif L'amour et l'esprit gaulois à travers l'histoire du XVe au XXe siècle, tome IV, Paris, Martin-Dupuis, 1927.

En apparence comparable, la situation n’est pas exactement similaire entre les cinémas et les musées, particulièrement à Paris où l’offre est riche. Cela tient d’abord à l’organisation de la filière qui n’est pas du tout la même dans les deux secteurs en raison de leur nature : un bien numérique reproductible pour l’un, un lieu physique pour l’autre. Au cinéma, producteurs, distributeurs et exploitants sont des métiers distincts alors que les expositions sont le plus souvent produites et montées par le même opérateur, dans son propre lieu. Les musées peuvent ainsi modifier à leur guise leur programmation ; c’est déplaisant certes, ce n’est pas simple (la question des prêts), mais ils en ont le contrôle.

La différence la plus importante réside dans le facteur temps. Les expositions durent en général deux à trois mois, quelle que soit la fréquentation des premiers jours, alors qu’un exploitant peut arrêter de diffuser un film si celui-ci ne trouve pas tout de suite son public. Deux, trois mois, cela laisse le temps à l’exposition de se faire connaître. C’est naturellement encore plus vrai pour les nouveaux lieux ou ceux qui viennent de rouvrir après des années de travaux. Ils peuvent éprouver quelque frustration à ne pas avoir toute la place qu’ils ambitionnent dans l’actualité médiatique, mais se consolent avec la pensée d’avoir tout le temps pour s’installer dans la nouvelle géographie des lieux culturels. C’est la revanche du pérenne discret sur l’éphémère tapageur.

Il y a cependant des similitudes. Une vive concurrence n’est pas forcément un inconvénient car la demande est élastique. Un amateur de films, comme un visiteur d’expositions, pourra sortir plusieurs fois si l’offre est multiple et intéressante. Et les blockbusters (Marvel d’un côté et grands musées publics ou privés de l’autre) sont certes des concurrents redoutables pour les films d’auteur et les expositions pointues, mais aussi des locomotives : ils donnent envie de consommer davantage. Et après des mois de privation, il y a une appétence forte du public pour s’échapper de son canapé. Cette effervescence de fin de printemps signe-t-elle le début des nouvelles « années folles », celles d’après-covid ? On voudrait le croire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°568 du 28 mai 2021, avec le titre suivant : Un avant-goût des années folles

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