Société

Éditorial

Mémoire collective et histoire de l’art

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 2 novembre 2022 - 408 mots

Hommage. Tout est en place pour que Pierre Soulages (1919-2022) entre dans la mémoire collective au même titre que Charles Aznavour, Jean-Paul Belmondo ou le commandant Cousteau.

Ces noms ne sont pas pris au hasard, ce sont les personnalités civiles à qui la Nation a rendu un hommage officiel après leur décès. En organisant une cérémonie, qui plus est au Louvre, Emmanuel Macron a voulu témoigner de l’importance de l’œuvre et de l’homme dans le patrimoine culturel de la France. Le Louvre, plutôt qu’aux Invalides, c’est déjà tout un symbole : la demeure des rois, roi des musées, où ne sont exposés que les maîtres anciens.

À dire vrai, la symbolique s’est un peu étiolée, car un hommage comparable avait déjà été réalisé de son vivant pour ses cent ans, avec une exposition mémorable dans le Salon Carré. Les esprits chagrins remarqueront que le seul artiste qui eut droit à des obsèques nationales (c’est un peu la même chose qu’un hommage officiel) fut Albert Besnard en 1934, un peintre important certes, mais pas au point de mériter une telle distinction.

La France n’a pas été avare de reconnaissance à l’égard de son grand homme : elle lui a construit un musée à son nom, l’a décoré de la plus haute distinction dans l’ordre de la Légion d’honneur, a organisé de nombreuses rétrospectives dans ses musées… Le public a largement répondu présent à toutes ces rétrospectives en France, mais aussi à celles – nombreuses – à l’étranger. Et il s’est enthousiasmé pour les magnifiques et singuliers vitraux que l’artiste a réalisés pour l’abbatiale Sainte-Foy de Conques. Par son œuvre, son physique, sa longévité, ses quatre-vingt-quatre ans de mariage avec Colette, ses racines aveyronnaises, Soulages est déjà un monument historique.

Mais si la mémoire collective l’a largement consacré, quelle place va lui accorder l’histoire de l’art ? L’œuvre de Soulages, bien séquencée, est d’autant plus lisible que l’artiste aimait raconter son travail et sa vie, et a laissé un nombre incalculable d’entretiens ; sa production est bien référencée, sa bibliographie, la liste des expositions et les œuvres dans les musées sont très bien recensées sur son site Internet. Les historiens vont a minima le ranger aussi haut qu’un Mark Rothko ou qu’un Yves Klein, pour rester dans un univers proche, bien qu’il refuse le terme de monochrome pour ses « outrenoirs ». Le marché, lui, a compris depuis longtemps l’importance de son œuvre avec un record récent à 20 millions de dollars.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°598 du 4 novembre 2022, avec le titre suivant : Mémoire collective et histoire de l’art

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