Patrimoine

La chambre régionale des comptes relance le débat sur le coût de la Philharmonie

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 26 septembre 2016 - 703 mots

PARIS

PARIS [26.09.16] - La chambre régionale des comptes estime que le coût de la construction de la Philharmonie de Paris est de 535 M€ au lieu des 389 M€ annoncés. La Ville de Paris conteste ces modes de calcul.

Alors que le débat sur la dérive des coûts de construction de la Philharmonie de Paris commençait à s’estomper, remplacé par des louanges sur la nouvelle salle et l’affluence aux concerts, un tout nouveau rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) de la région Ile-de-France risque de remettre les projecteurs sur cet épisode des grands chantiers culturels de la capitale.

Selon elle, le budget final de construction de la Philharmonie de Paris n’est pas de 389 millions d’euros comme le futur établissement public l’avait indiqué lors de l’ouverture en janvier 2015, mais de 535 millions d’euros. Pour la CRC, « par rapport à l’estimation du "préprogramme" de septembre 2006 [173 millions d’euros], ce chiffrage marque un triplement (3,1). En le rapportant aux conditions économiques de septembre 2006 (446,9 M€), le coût est multiplié par 2,6 ».

Sur la base des 389 M€ « officiels », le financement du chantier de la Philharmonie a été assuré par l’Etat (211 M€), la Ville de Paris (158 M€) et la région Ile-de-France (20 %).

La compétence de la CRC ne couvrant que les collectivités territoriales et leurs établissements publics (il revient à la Cour des comptes d’analyser les comptes de l’Etat), c’est la Ville de Paris qui est monté au front par un courrier du 15 juillet 2016. Elle conteste le mode de calcul de la chambre, et considère qu’il convient d’actualiser le montant de départ en tenant compte du véritable périmètre des travaux et de l’inflation. Elle aboutit ainsi à un budget initial réactualisé de 294 millions d’euros. En revanche elle fait l’impasse sur le nouveau chiffrage définitif de la chambre (535 M€), en restant aux 389 M€ officiels, ce qui lui permet d’affirmer que l’augmentation est de 32 % soit tout de même près de 100 millions d’euros.

Parmi les surcoûts, la chambre pointe une décision de la Ville de Paris relative au financement de la construction. Alors que l’Etat a emprunté directement le montant à sa charge, la Ville de Paris a préféré laisser l’association de préfiguration, qui portait la Philharmonie, emprunter elle-même et lui rembourser le prêt sur 10 ans tout en garantissant l’emprunt obligataire auprès de la banque (la Société Générale). Une astuce comptable qui permet de ne pas alourdir la dette officielle de la Ville. La chambre estime qu’en empruntant directement, la Ville aurait pu économiser 20 à 25 millions d’euros sur les 234,5 millions que lui coûtera au total l’opération. Dans sa réponse, le secrétaire général de la Ville conteste là aussi un « biais méthodologique » de la Chambre et estime que le surcoût n’est que de 6,3 M€. Il ajoute que la Ville est en train de renégocier sa garantie avec la Société Générale espérant économiser 4 M€ d’ici la fin de l’emprunt.

La Chambre revient par ailleurs sur les démêlés entre la Philharmonie et son architecte Jean Nouvel. Elle met le doigt sur l’une des plaies des grands chantiers de l’Etat où les budgets initiaux sont systématiquement minorés afin de pouvoir être lancés en sachant que les coûts ne pourront qu’augmenter. Ainsi en est-il des honoraires de Jean Nouvel qui ont été revalorisés à plusieurs reprises, passant de 16,3 M€ à 23,2 M€. Elle rappelle que dès 2013 la Philharmonie court-circuitait l’architecte donnant directement ses instructions aux constructeurs. Jean Nouvel avait boudé l’inauguration en janvier 2015 et même poursuivi –en vain- le maître d’ouvrage en justice pour pouvoir terminer les travaux. On apprend au passage que l’établissement public a retenu près de 3 M€ sur ses honoraires.

La cour des comptes et les chambres régionales ne jugent pas de l’opportunité des projets mais des recettes et dépenses. Ce qui ne l’empêche pas de parsemer ses rapports de considérations générales telle que : « Si le projet de philharmonie avait été limité à la construction d’une grande salle, comme dans le programme initial de la Cité de la musique, cette solution aurait sans doute été beaucoup plus économe, aussi bien pour l’investissement que pour le fonctionnement. Le nouvel équipement aurait alors profité des synergies avec les installations existantes ».

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Vue de la Philharmonie de Paris, architecte Jean Nouvel © photo KENZO TRIBOUILLARD / AFP - 14 janvier 2016

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